Alors Jésus dit : « Tout est accompli ». Puis inclinant la tête, il remit l’esprit
« Tout est accompli », dit Jésus. Il a été jusqu’au bout du témoignage pour lequel il avait été envoyé. Il a accompli sa mission jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême.
Il était venu pour nous parler de son Père, un Dieu plein de miséricorde. Un Dieu débordant d’amour. Un Dieu proche des petits, des souffrants, de ceux qu’on méprise, de ceux qu’on risquait de laisser sur le bord du chemin. Un Dieu venu pour redonner de l’espérance et relancer nos vies quand elles sont prises par le doute, le manque de confiance, la culpabilité.
Il était venu nous proposer l’alliance, l’amitié d’un Dieu qui nous invite à nous aimer les uns les autres comme Jésus n’a cessé d’aimer. Pas par devoir mais pour que sa joie soit en nous, pour connaître la joie de vivre en frères, la joie de vivre en communion avec lui et entre nous.
Cette bonne nouvelle s’est heurtée à l’indifférence des uns, à l’hostilité des autres. Ils ont trouvé – mais… nous aussi parfois ! – que ce Dieu qu’il annonçait était trop miséricordieux. Qu’il en demandait trop en nous appelant à une fraternité sans frontière, à un pardon sans limite. Certains ont trouvé qu’il fallait taire cette voix qui cherchait à ce que l’emportent le partage, la concorde, l’hospitalité envers ceux qui sont différents de nous. Qu’il arrête de nous demander de lutter avec lui contre le mal en rejetant l’injustice, les querelles, la main mise sur l’autre, en se faisant comme lui serviteur de tous.
Nous aimons Jésus. Mais reconnaissons qu’il nous arrive aussi d’être tentés de lui résister, de ne pas écouter sa voix, de le faire taire en nous.
Par facilité, par lâcheté, par trahison, Jésus a fini par être arrêté. Il a été frappé, méprisé, abandonné, supprimé – comme dit le prophète Isaïe… Alors ce soir ? pourquoi sommes-nous invités à vénérer la croix, en quoi cette croix est-elle source de vie ?
« Tout est accompli », dit Jésus en rendant son esprit…
Sur la croix, nous contemplons et adorons ce soir celui qui, malgré ces souffrances, a accompli jusqu’au bout ce qu’il n’avait jamais cessé de faire. Ses souffrances, la perspective de sa mort, ne l’ont pas arrêté. Sur la croix, jusqu’au bout il a pardonné ; il a pris soin de sa mère et de ce disciple restés au pied de la croix. Jusqu’au bout, malgré les ténèbres, il est resté confiant en Dieu : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Il est resté dans la foi puisqu’il dira au larron : « Ce soir tu seras avec moi au paradis ». Jusqu’au bout il a gardé intense en lui sa soif : sa soif de Dieu, sa soif d’aimer de chacun, et donc sa soif de moi !
Ce qui nous sauve sur la croix, ce qui nous ouvre un chemin de vie, c’est qu’il ait aimé jusqu’au bout et qu’il soit resté dans la foi et l’espérance. C’est cela qui peut nous sauver quand nous sommes dans l’épreuve : c’est de le savoir à nos côtés pour que nous aussi, en toute chose, quoiqu’il arrive, nous nous aidions les uns les autres à rester avec lui dans la foi, dans l’espérance et dans la charité : car la vraie vie, elle naît de cela.
Pour S. Jean, la croix devient le lieu d’une première Pentecôte. Inclinant la tête, l’inclinant vers nous, il nous remet son Esprit d’amour. Pour que nous aussi nous accomplissions la seule chose qui demeure et qui est source de vie : pour qu’en toute chose nous nous aimions les uns les autres, avec confiance, avec espérance, comme lui, comme il nous a aimés et comme il nous aime chacun, chacune ce soir.
+ Jean-Luc Hudsyn, basilique Notre-Dame de Basse-Wavre, 7 avril 2023