Homélie pour la Vigile pascale à Marbais – 16 avril 2022

Sœurs et frères,

Qu’avons-nous vécu jusqu’à présent dans cette nuit de Pâques ?

Comme les femmes de cet Evangile, nous avons quitté nos maisons. Nous nous sommes rassemblés autour de ce feu qui nous attendait. Il nous a rappelé la présence lumineuse, réchauffante du Christ Ressuscité. Je suis la lumière du monde, avait-il dit : il vient nous éclairer sur le chemin de nos vies.

Nous avons suivi la flamme du cierge pascal. Peu à peu sa lumière s’est propagée, illuminant nos visages. Cela nous a fait du bien alors que depuis tant de jours nous sommes confrontés à toutes ces images de guerre qui assombrissent nos cœurs.

Puis, nous avons ouvert l’Ecriture : des textes qui ne viennent pas nous parler du passé, de ce que Dieu faisait autrefois. Ces paroles nous sont données cette nuit parce qu’elles nous parlent de ce que Dieu continue de faire aujourd’hui.

Il est ce Dieu créateur qui continue de lutter aujourd’hui contre la puissance des ténèbres afin que la vie finisse par l’emporter. Un Dieu qui nous crée à son image pour que nous soyons nous aussi avec lui des créateurs de vie.

Dans le récit du passage de la Mer Rouge, nous voyons Dieu qui entend les cris de son peuple. Il entend aujourd’hui tous ces cœurs meurtris par la guerre. Il entend nos plaintes quand nous sommes dans l’épreuve. Il n’est pas du côté de ce qui engendre la mort, de ce qui détruit notre humanité. Il nous soutient pour nous faire passer de la mort à la vie, des ténèbres de la violence à la lumière de son amour et de sa paix.

C’est de cet amour de Dieu que parlait le prophète Isaïe. Un Dieu qui nous dit que même si nous l’abandonnons, Lui, Il ne nous abandonnera pas. Que même si nous désespérons de lui, Lui il nous garde sa confiance.

S. Paul nous a parlé alors de notre baptême. Etre baptisé, c’est être plongé dans l’amour de ce Dieu créateur. Pour être unis à lui, S. Paul nous invite à mourir au péché. Il nous presse de nous distancer de tout ce qui nous empêche d’aimer, de faire confiance, de mettre de l’espérance autour de nous.

Puis a retenti cet évangile de Pâques en Saint Luc. Quelle est sa Bonne nouvelle ? Il nous rappelle que le Christ n’est pas un personnage du passé, si éminent soit-il. Nous croyons qu’Il est ce Vivant qu’il ne faut pas chercher parmi les morts, disent ses messagers. Et ils ajoutent : Rappelez-vous ce qu’il vous a dit ! Rappelons-nous donc ce qu’il n’a cessé de faire : il a passé sa vie à guérir, à remettre des gens debout, à relancer la confiance, il dé-paralysait ceux qui avaient peur, il réouvrait l’avenir à ceux à qui il pardonnait…

Tout cela, il le fait encore pour nous aujourd’hui. Il continue de se mêler secrètement à nos vies. Il parle tout bas à nos cœurs ; il y continue de nous dire ces paroles qui font vivre : ne crains pas ; viens, suis-moi ; je suis avec toi ! Il continue de semer en nous ses paroles de bonté, qui consolent, qui pardonnent, qui relèvent.

Si nous prions, si nous lisons l’Ecriture, si nous nous rassemblons pour l’eucharistie c’est pour ne pas oublier sa présence cachée au cœur de nos vies ; c’est pour nous rappeler qu’il est Vivant ; qu’il est avec nous dans tout ce que nous vivons ; c’est pour accueillir son souffle, son esprit afin de tenir bon dans tout ce qui nous arrive.

Le Christ ne nous promet pas de faire de notre vie une sorte de conte de fée… Nos vies sont comme la sienne – et les anges le rappelaient aux femmes : celui qui est ressuscité c’est aussi celui qui a connu la passion et la croix. Il sait qu’il y a dans nos vies des chemins de croix, des mystères douloureux. Mais il nous fait cette promesse : son Esprit est là pour nous permettre de vivre nos épreuves comme une traversée, comme un passage où la vie l’emportera !

Il nous tend la main pour avancer malgré les moments de creux ou de doute ; pour affronter avec courage tout ce qui va de travers ; pour continuer à aimer, à lui faire confiance même devant ce qui semble apparemment perdu. Même quand, autour de nous, certains trouvent qu’une telle foi est un peu délirante… Même les apôtres ont pensé cela devant la foi de Marie-Madeleine… Et pourtant !

Pâques est cette Bonne nouvelle qui vient donner sens à notre vie. Car Pâques nous donne aussi une mission : être nous aussi des hommes et des femmes qui mettent de la résurrection autour d’eux. Les femmes dans cet Evangile ont mis l’apôtre Pierre en route ! Et voilà que Pierre va à son tour en mettre d’autres en route dans la foi ! C’est ainsi que la foi est parvenue jusqu’à nous ! Et qu’elle est parvenue jusqu’à L. qui demande le baptême cette nuit.

Elle aussi a rencontré des témoins qui l’ont éveillée au Christ. Soyons ensemble une Eglise où notre foi nous soutient les uns les autres. Une Eglise où, enracinés dans le Christ, nous nous encourageons à croire et à espérer malgré les ténèbres qui peuvent obscurcir nos cœurs et ce monde. Aidons-nous dans un même Esprit à vivre en baptisés, en disciples du Christ ! Soyons aimants et bienveillants là où tant des nôtres sont en attente de sens, d’affection, de pardon.

Avec le Christ, re-suscitons la vie autour de nous ; semons avec lui de la joie, de l’espérance et de la paix : le monde en a tant besoin !

+ Jean-Luc Hudsyn

Illustration : Les femmes au tombeau écoutent l’ange – CC0 Pixabay