Sœurs et frères,
Ce soir, dans la pénombre, nous avons vu cette lumière du cierge pascal se répandre progressivement dans cette église. Elle est venue éclairer peu à peu tous nos visages… Puis nous avons ouvert le Livre des Ecritures pour laisser la Parole de Dieu venir éclairer le sens qu’a pour nous aujourd’hui cette fête de Pâques.
Nous avons d’abord relu ce beau poème de la création. Il commençait par ces mots : « La terre était informe et vide ». En hébreu, le mot utilisé est le mot tohu-bohu ! Autrement dit, « au commencement » c’était le chaos ! Et dans ce chaos, voilà que Dieu vient y semer la vie. Et pour que cette vie grandisse et se multiplie, il crée l’homme et la femme à son image : il les crée pour qu’à leur tour, ils deviennent créateurs de vie et d’amour.
Mais pour remplir cette si belle vocation, nous avons aussi à nous libérer de ce qui risque de faire obstacle à cette mission vitale, celle de continuer la création en aimant, en vivant à la ressemblance de Dieu. Nous avons entendu ce texte central du Livre de l’Exode : il nous rappelle que notre Dieu est aussi un Dieu libérateur. Il a réveillé son peuple pour qu’il ait ce sursaut qu’il nous demande aussi : ne pas rester en esclavage ! Ne pas rester enfermés dans ce qui nous empêche d’aimer et d’être source de liberté et de vie les uns pour les autres. Ce n’est pas une histoire du passé. Dieu nous a envoyé son Fils et sa Parole, l’exemple de sa vie donnée jusqu’au bout, le témoignage de sa résurrection pour nous faire passer nos Mer rouge à nous. Il vient nous soutenir, nous délivrer, nous relancer pour que nous puissions vaincre les obstacles qui nous empêchent de vivre comme des baptisés, comme des fils et des filles de Dieu.
Le prophète Isaïe nous a parlé de cette eau qui vient du ciel pour féconder la terre, pour y faire germer la vie – comme en ces jours de printemps. C’est comme une évocation du baptême. Le verbe baptiser vient d’un mot grec qui veut dire plonger dans l’eau. Par ce symbole de l’eau, le baptême vient comme nous plonger dans l’amour de Dieu. Pour que son amour vienne imprégner et féconder notre vie tout entière.
Et voilà que ce soir nous avons la joie d’entourer Quentin. Il a vécu tout un chemin, soutenu par C., ce qui l’a conduit à demander à être baptisé, à recevoir la confirmation et l’eucharistie pour devenir membre à part entière de la grande famille de l’Eglise.
Dans son cheminement, il a découvert peu à peu ce que nous disait S. Paul : qu’être baptisé c’est vouloir vivre sa vie uni au Christ. Qu’être baptisé c’est désirer vivre une vie nouvelle : éclairée, inspirée par le Christ.
Merci à toi, Quentin, et merci à toutes celles et ceux qui t’ont accompagné sur ce chemin. Merci car ton baptême peut donner comme un sursaut salutaire à nos vies de baptisés. Ton baptême vient réveiller le nôtre, il permet au Christ de le re-suciter ! Car le risque c’est de vivre en « ancien baptisé », comme si c’était une affaire du passé. Nous allons être invités à renouveler nos engagements de baptême. Redire que oui, nous croyons que nous sommes entourés, environnés chacun par ce grand amour du Père ; que nous voulons suivre Jésus car il est le Chemin, la Vérité et la Vie. Que nous croyons qu’il a posé son Souffle en nous qui nous porte pour mettre au monde une terre nouvelle, plus fraternelle, plus juste, plus apaisée ! Et Dieu sait si elle en a besoin…
Cette mission, si belle, si grande, quelle chance de la redécouvrir ce soir. Laissons-nous toucher, laissons-nous être ébranlés par la beauté de cet appel que nous lance le Christ. Je dis « ébranlés » parce que dans l’Evangile, S. Matthieu dans sa manière de raconter la résurrection du Seigneur, utilise ce mot. Il parle de ce tremblement de terre qu’ont ressenti Marie Madeleine, et l’autre Marie, en prenant conscience que Jésus était ressuscité ; qu’il n’est pas à chercher parmi les morts ; qu’il n’est pas quelqu’un du passé. En parlant à la façon de l’Ancien Testament qui parle aussi de séisme quand Dieu se manifeste, Matthieu nous fait comprendre combien la résurrection vient secouer bien des choses quand elle nous dit que Jésus a traversé la mort, qu’il est Vivant, à nos côtés, nous soutenant, nous tirant du côté de l’espérance, de la confiance quand nous sommes dans l’épreuve, dans nos chemins de croix. Oui, laissons-nous ébranler positivement par cette confiance qu’il nous fait : puisque pour poursuivre sa création, pour être les témoins de son amour, il nous appelle, il fait de nous ses apôtres, pour que nous soyons en parole et en acte, les témoins de sa Présence réelle au cœur de ce monde.
Le Christ ressuscité envoie les disciples en Galilée. Pourquoi ? La Galilée, c’était là où les apôtres avaient vécu leur vie de tous les jours : en famille, dans leur métier de pêcheurs, dans le quotidien de leur village. C’est à cela que le Christ ressuscité les renvoie, et nous renvoie nous aussi. Pâques nous appelle à vivre les choses ordinaires de nos vies mais de les vivre autrement : dans la foi que le Ressuscité est désormais avec nous, qu’il vit toute chose avec nous, qu’avec lui, malgré les moments d’obscurité, les épreuves, les échecs même, il nous accompagne et qu’avec lui l’amour seul en vaut la peine car un jour l’amour sera vainqueur. Accueillons avec foi et confiance ce message que transmettent les anges de Pâques : Il est ressuscité : soyez sans crainte !
+ Jean-Luc Hudsyn, Vigile de Pâques et baptême d’adulte, Saintes – 8 avril 2023
Lisez également l’homélie de Pâques du Cardinal De Kesel