Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Pourquoi me frappes-tu ? – Homélie pour le Vendredi saint

Homélie pour le Vendredi-Saint – Nethen, 15 avril 2022

Dans la Passion selon S. Jean, Pilate en montrant Jésus, s’écrie : « Voici l’homme » ! Pilate ne croyait pas si bien dire. En ce Jésus blessé, défiguré, nous voyons ce que nous pouvons faire de nos frères et de nos sœurs, quand nous les blessons, quand nous les méprisons, quand nous faisons comme s’ils ne comptaient pour rien, comme disait Isaïe.

Et comment, en ce Vendredi Saint, comment ne pas penser à l’Ukraine ? Nos écrans nous montrent ce que devient l’homme quand la volonté de puissance et de domination se fait implacable. Quand on ne voit plus dans l’autre qu’un être banal, une cible. Quand on le traite comme si nous étions des êtres sans transcendance…

Sur la croix, Jésus s’identifie à toutes les victimes de la violence quelle qu’elle soit. Et il pose cette question redoutable : « Pourquoi me frappes-tu ? ». Il nous rappelle qu’à ses yeux, toucher à l’homme c’est toucher à Dieu. Toucher à l’homme c’est toucher au Christ. Et que d’aucune façon, on ne peut alors se justifier, l’Evangile en main. Le Pape l’a bien dit quand il est allé à Mossoul : « Si Dieu est la paix – et il l’est – alors il ne nous est pas permis de déclarer la guerre en son nom. Si Dieu est amour – et il l’est – alors il ne nous est pas permis de haïr nos frères ».

Sur la croix, le Christ nous laisse-t-il alors seuls, face à notre culpabilité ? Nous abandonne-t-il donc à nous-mêmes, à nos erreurs, à nos manques d’amour. Non, car sur la croix, en pardonnant à chacun il nous montre qu’il ne désespère pas de l’humanité. Sur la croix, frappé lui-même – et ô combien injustement – il nous dit qu’aussi dévastateur que soit le mal, le mal n’aura pas le dernier mot. Telle est sa foi !

Il croit en cette possibilité en nous de ce sursaut d’humanité, de repentir, de conversion. Même quand l’humanité cède au mal et à la haine, lui, sur la croix, il est celui qui continue de croire en cette humanité créée à son image. C’est pourquoi, dans son dernier souffle, Il nous remet son Esprit. Pour que nous puissions malgré tout renouer avec cette bonté qu’il a mise dans nos cœurs ; pour que nous nous laissions toucher de l’intérieur par sa façon à lui d’aimer et d’aimer jusqu’à l’extrême, comme nous le disait S. Jean hier soir.

Nous le voyons bien : voilà que bientôt le centurion va ouvrir les yeux ; Joseph d’Arimathie et Nicodème vont prendre soin du corps de Jésus ; les femmes vont venir l’entourer de tendresse ; Marie-Madeleine va se faire la première des apôtres… Devant le mal, devant l’épreuve, la réponse de Jésus c’est de nous confier les uns aux autres : « Fils, voici ta mère Femme, voici ton fils ». Il nous dit sa soif : sa soif de voir régner son Royaume où la vie peut renaître quand l’amour de Dieu et des frères se livre et se donne jusqu’au bout.

Sur la croix, où le Christ continue d’aimer, de pardonner et de s’abandonner à son Père, sur la croix, le Christ ne désespère ni de Dieu, ni des hommes. Il nous remet son Esprit pour qu’envers et contre tout, par lui, avec lui, en lui nous donnions nous aussi notre vie, nous semions quoi qu’il arrive de la bonté, de la solidarité, de la compassion.

La croix nous le dit : face au mal – là est la seule issue, là est le seul essentiel : cet amour qui seul peut re-susciter la vie et la paix.

+ Jean-Luc Hudsyn


Illustration : vitrail de la passion du Christ – CC0 Pixabay – Falco