Laetare!
D’où vient ce mot [1] ?
Laetare est un mot latin, l’impératif du verbe « se réjouir ». Il n’est donc pas une option proposée mais un ordre donné : Réjouis-toi ! Laetare résonne peut-être encore plus ou moins dans nos oreilles suivant que nous habitons près d’une ville qui fête le carnaval de la Laetare comme celui de Stavelot ou de la Louvière.
Mais on n’a pas attendu le carnaval pour utiliser cet impératif à la joie. En effet, l’Église qui aime rythmer le temps qui est le sien, instaura le temps du carême vers le 2e siècle, en souvenir du temps où « Jésus poussé au désert par l’Esprit y reste 40 jours tenté par Satan » (Marc 1,12). Le carême[2] devient courant au 4e siècle et se structure alors autour de la préparation au baptême des catéchumènes. Par solidarité et compassion pour eux, tous les fidèles sont alors invités à prier et jeûner.
Laetare n’est pas utilisé n’importe quand et n’importe comment
Ce mot est réservé au quatrième dimanche de carême (soit à la mi-carême) appelé le dimanche de « Laetare ». Ce nom est tiré du premier mot de l’antienne d’introduction à la messe en latin, l’Introït : « Laetare Ierusalem: et conventum facite omnes qui diligitis eam : gaudete com laetitia, qui in tristitia fuistis: ut exsultetis, et satiemini ab uberibus consolationis vestrae », « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire ». Cette antienne est elle-même tirée du livre d’Isaïe (66,10-11).
Mais de quoi ou pourquoi devons-nous nous réjouir ?
Un peu en avance, l’Église nous demandait de nous réjouir avec Elle, car lors du scrutin[3] du mercredi de cette quatrième semaine était remis pour la première fois, aux catéchumènes, le symbole, le Credo apostolique. Cette pratique (traditio symboli) était suivie de peu par la remise du Notre Père. Ces cérémonies étaient, les derniers pas décisifs avant le baptême, pour ceux qui s’étaient montrés digne d’être admis dans l’Église. (Actuellement, ces rites ne sont plus pratiqués dans l’Église du Brabant Wallon, ce qui explique tous ces verbes au passé).
Ainsi, dès « le premier jour de la semaine », l’exultation de l’Église se manifestait dans la liturgie dominicale à l’approche du baptême qui allait lui engendrer de nouveaux enfants. Un premier reflet de la joie de l’Exultet[4] apparaît. Certains ont aussi vu un jour de pause permettant aux pénitents de reprendre souffle dans leur marche vers Pâques, ce qu’exprime ainsi le pape Innocent III (1216) dans un de ses sermons : « En ce dimanche, qui marque le milieu du Carême, une mesure de consolation est accordée pour que les fidèles puissent ne pas faiblir sous l’effort prolongé du Carême, et continuent à supporter les restrictions d’un cœur reposé et plus léger. ».
Que reste-t-il de ce jour de joie dans nos célébrations ?
Le dimanche de Laetare, contrairement aux autres dimanches de carême, les orgues peuvent à nouveaux résonner, les fleurs peuvent réapparaître au pied de l’autel et il est même prévu que les vêtements liturgiques passent du violet au rose (mélange entre le violet couleur de la pénitence et le blanc, couleur de la résurrection).
L’antienne d’ouverture de la messe est toujours Isaïe 66, 10-11, la prière pour les catéchumènes, la prière pour les offrandes, la préface et l’antienne de communion ont toutes une note de joie soit avec le mot « joie » soit avec l’expression « action de grâce ».
Alors, bonne nouvelle : n’oubliez donc pas d’être joyeux ce dimanche de Laetare ! Même si c’est aussi tout le Carême qui, comme montée vers Pâques, est un chemin marqué par la joie.
Joie de la conversion, joie de la réconciliation, joie de la vie qui s’annonce…
Service de la Liturgie
[1] Ce billet est écrit à partir de A. G. Martimort, L’église en prière, Introduction à la liturgie, III, Les sacrements, édition nouvelle, Édition Desclée, 1984 ; Fr. X. Weiser, Fêtes et coutumes chrétiennes, de la liturgie au folklore, Édition Mame,1960 ; Missel de l’assemblée dominicale, Publications de Saint André, Éditions Brépols, 1997.
[2] « Carême » vient de Quadragesima (dies), mots latins qui signifient « Quarantième jour » ; dans le contexte : quarantième jour avant Pâques.
[3] « Scrutin : mot qui évoque une épreuve au double sens de ce mot : élément d’un combat par l’affrontement à des obstacles et examen permettant de vérifier et de décanter les dispositions des candidats », in A.G. Martimort, L’église en prière, Introduction à la liturgie, III, Les sacrements, édition nouvelle, Édition Desclée, 1984, p.41.
[4] Chanté ou proclamé au pied du cierge pascal après la procession d’entrée de la Vigile pascale, ce texte commence par les mots « Exultez de joie multitude des anges » (forme longue) ou « Qu’éclate dans le ciel la joie des anges » (forme courte).
Illustration d’entête : Pixabay – Free Photos
Illustration en bas de l’article : évêque et prêtres (anglicans) portant chasuble et étoles roses – Wikipédia