Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Il n’y a qu’un seul amour !

Il n’y a qu’un amour, disait S. Augustin en commentant cet Evangile. Il n’y a donc pas à opposer un amour humain, d’une part, et un amour divin, d’autre part. Pour l’Evangile, aimer Dieu nous attire nécessairement du côté de l’amour des autres. Et aimer les autres, nous renvoie à la source de tout amour, ce Dieu qui est amour comme dit S. Jean.

Cela veut dire aussi que ces deux modalités d’un même amour peuvent nous apprendre l’une l’autre à mieux aimer : en aimant Dieu nous apprenons à mieux aimer nos sœurs et nos frères. Et en aimant nos sœurs et nos frères nous apprenons aussi à mieux comprendre ce que veut dire aimer Dieu.

Comment ? L’amour humain – aimer notre conjoint, aimer nos enfants et nos petits-enfants, aimer nos collègues, nos amis, nos voisins… – cela nous apprend à aimer comme Dieu aime : un amour ouvert à tous ; un amour qui aime malgré les tensions que nous pouvons vivre entre nous ; cela nous apprend combien Dieu nous aime avec patience ; avec fidélité ; en pardonnant. En aimant un enfant qui ne va pas bien, et que nous veillons la nuit, que nous caressons avec tendresse, nous découvrons comment Dieu nous aime. En voyant tant de personnes durant les inondations qui n’ont écouté que leur cœur ; ils ont rendu service ; ils ont pris soin de personnes gratuitement sans même les connaitre, sans rien demander en échange, nous pouvons percevoir que c’est comme cela que Dieu nous aime.

Et en même temps, quand nous prions, quand nous aimons Dieu en nous mettant à l’écoute de sa Parole, en contemplant les façons de faire du Christ, nous découvrons aussi comment Dieu désire que nous aimions : lui qui en aimant sans mesure vient élargir notre amour, qui repousse les limites que nous voudrions mettre parfois à l’amour. En aimant Dieu, en aimant sa Parole, nous apprenons à aimer comme lui : sans compter, sans faire de différence, en faisant toujours le premier pas, sans poser de conditions, lui qui ose même – comme l’a fait le Christ – d’aimer même nos ennemis, ceux qui nous ont fait du mal…

Que ce soit en aimant Dieu, en creusant notre lien avec lui… que ce soit en aimant les autres en creusant notre solidarité avec eux, nous découvrons qu’aimer c’est accepter de sortir de soi. C’est se décentrer de soi. C’est vivre en tenant compte de nos sœurs et de nos frères ; c’est vivre toute chose en tenant compte du Seigneur. C’est vrai que cela a un côté un peu inconfortable, cela nous met dans une certaine in-tranquilité car c’est consentir à sortir de sa zone de confort – comme on dit maintenant.

En fait, cela nous permet de nous ajuster à ce qu’est l’amour véritable, c’est devenir vraiment ce que nous sommes appelés à devenir : des êtres faits pour aimer et pour être aimés.

Cela veut dire qu’un amour de Dieu, une piété qui nous centrerait sur nous-mêmes, qui nous isolerait des autres, qui fait que nous n’entendons pas vraiment le cri des pauvres, les appels de ceux qui ont besoin d’être rencontrés, d’être écoutés, d’être consolés… ce n’est pas aimer Dieu ! C’est se servir de Dieu pour s’aimer en fait soi-même – et c’est d’ailleurs mal s’aimer soi-même puisque cela nous referme sur notre égo même si nous multiplions les dévotions…

Mais il y a aussi des façons non ajustées de soi-disant aimer les autres : en se montrant généreux tout en se valorisant soi-même : en disant qu’on les aime tout en mettant la main sur eux, en cherchant à avoir une emprise sur eux… Ce n’est pas aimer notre prochain mais se servir de lui pour servir notre moi et nous glorifier nous-mêmes.

Une des façons d’aimer Dieu et d’aimer son prochain à la façon de l’Evangile, c’est faire comme le fait Ruth, qui, alors que sa belle-mère Noémi est dans l’épreuve, refuse de l’abandonner : « Là où tu iras j’irai avec toi. Là où tu t’arrêteras, je m’arrêterai ! ». On ne peut mieux définir ce que veut dire l’amour comme fidélité à Dieu et comme fidélité à l’autre.

Là où tu vas je t’accompagnerai… Je t’accompagnerai et ce n’est pas moi qui vais t’imposer le chemin à suivre. Et si tu t’arrêtes, je ne t’abandonnerai pas au bord de la route. C’est comme cela que Dieu fait avec nous. C’est comme cela que fait avec nous le Dieu que le Christ est venu nous annoncer. C’est comme cela qu’il a fait lui-même : pardonnant à Pierre sa trahison, cherchant partout la brebis qui l’avait abandonné, livrant son pardon à tous sur la croix.

Là où tu vas j’irai avec toi… C’est comme cela que Marie a fait avec Jésus, elle en qui amour de Dieu et amour du prochain ne pouvaient qu’être profondément unis. Là où allait son Fils, elle allait avec lui. Elle le suivait, elle le servait, elle lui faisait confiance. Et là où il s’arrêtait, elle restait près de lui… même à la croix où elle fut une des rares à ne pas l’abandonner !

Sûr que c’est comme cela qu’elle nous aime : à nous aussi elle dit ce soir : « Là où tu iras j’irai avec toi. Là où tu t’arrêteras, je m’arrêterai ! » et je ne t’abandonnerai pas. Dans notre foi même fragile, dans notre façon d’aimer qui n’est pas sans faiblesse, elle est celle qui demeure toujours à nos côtés nous rappelant la fidélité indéfectible de son Fils bien-aimé.

+ Jean-Luc Hudsyn

 

Homélie pour le vendredi 20 août 2021 (19ème semaine du Temps ordinaire), aux Sanctuaires de Beauraing, Notre-Dame au Cœur d’Or.