Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Fraternité, dialogue, ouverture à l’autre

Homélie de la messe chrismale du 15 septembre 2021

(Ph. 2,6-11/ Lc 4,14-21)

Sœurs et frères,

Ces huiles que nous allons bénir, ce Saint-Chrême que nous allons consacrer nous sont donnés dans divers sacrements pour nous imprégner de notre mission de chrétien au service du Christ et de sa bonne nouvelle.

Il y a dix jours à Malines, pour lancer l’année du conseil épiscopal, le Cardinal Joseph De Kesel nous invitait à développer une pastorale empreinte de 3 choses : de fraternité, de dialogue et d’ouverture à l’autre. Il me semblait qu’en communion avec lui, cela avait tout son sens que de vous inviter – de nous inviter – nous aussi à renouveler notre service du Christ avec cette visée : bâtir avec lui une Eglise qui soit semeuse de fraternité, de dialogue et d’ouverture à tous.

C’est d’autant plus d’actualité que le Pape François vient de mettre en route un synode plus long que d’habitude, plus symphonique aussi… où les Eglises locales, puis continentales puis universelle auront à jouer leur partie ! La visée c’est de poursuivre l’aggiornamento de l’Eglise en développant cette façon de faire Eglise où on chemine ensemble : en soignant davantage et à tous niveaux l’écoute mutuelle, le débat fraternel en vue de mieux discerner en commun les appels de l’Esprit par rapport à la mission que le Christ nous demande à travers sa kénose : être avec lui serviteurs de tous, proche des hommes pour lesquels il a donné sa vie, jusqu’à en mourir. Sans nostalgie pour nos prérogatives perdues, sans nous accrocher au rang que nous aimerions avoir, ne recherchant d’autre gloire que celle de Dieu et l’avancée de son Royaume.

Dans le diocèse, nous allons voir comment actualiser cette démarche, sans oublier de relire en BW cette démarche synodale à sa manière vécue dans le vicariat et les UP pendant deux ans : « Tous disciples en mission ». Sans oublier ces 8 priorités pastorales que nous avons discernées en commun pour « défricher des champs nouveaux » comme dit le prophète Osée (10,12).

Mais comment faire route ensemble – vraiment « ensemble » – sans cultiver en nous cette attitude fondamentale : « la fraternité » ? La fraternité n’est pas pour nous et nos communautés une valeur parmi d’autres… Elle est constitutive de notre identité : dès les origines – les Actes et S. Paul en témoignent – les disciples de Jésus se voyaient comme une communauté de frères et de sœurs ; de frères et sœurs dans le Christ.

Nous disons vouloir être une Eglise qui soit témoignante : le témoignage ce n’est pas que confesser un Credo, c’est aussi pratiquer cette fraternité que le Christ a mise entre nous et qu’il souhaitait universelle. Mais soyons humbles : comprenons qu’après ces graves contre-témoignages révélés en série, vécus hélas par des ministres de l’Eglise, au sein de certaines communautés, paroisses ou diocèses, la mission dont nous sommes chargés aujourd’hui ne sera crédible que si nous redoublons d’amour fraternel entre nous, dans nos paroisses, dans nos UP, avec ceux qui nous entourent.

Cette fraternité est exigeante. Elle demande en fait une conversion spirituelle. Le Bienheureux Christian de Chergé – prieur de Tibhirine – face à une rencontre difficile disait dans sa prière : « Désarme-moi, Seigneur ». Oui, se laisser désarmer par le Seigneur et soigner ainsi notre façon de collaborer, de vivre nos relations entre nous, entre prêtres, diacres, laïcs, consacrés. Soignons aussi le dialogue hommes/femmes. Soyons à l’écoute des jeunes et des aînés. Les écouter veut dire aussi leur donner la parole ainsi qu’aux plus petits, aux silencieux. Sortons de nos cercles où on pense pareil. Ayons des lieux de parole pour débattre avec respect de sujets où nous avons des avis opposés. Aujourd’hui, certains excellent dans les clivages binaires, les diatribes féroces, l’intransigeance des polémiques, les confrontations sans pitié de positions plutôt congelées ; on voit cela dans la société, les médias sociaux mais aussi dans l’Eglise. Voilà des lieux où nous pouvons inventer des alternatives bienvenues où on s’écoute, où on se parle avec respect.

Cette fraternité à la façon du Christ nous demande aussi de faire des premiers pas, d’être en sortie. Les pasteurs étaient habitués à ce que la paroisse tourne autour d’eux. Aujourd’hui si nous voulons faire route avec tous – alors prêtres, diacres, animatrices et animateurs pastoraux et aussi évêque…- c’est à nous de tourner maintenant dans les UP, autour de nos communautés. A nous, les premiers, de nous déplacer pour nous faire proches des paroissiens, de ceux qui nous regardent à distance. Aller aussi vers nos collaborateurs – sans toujours parler avec eux d’organisation mais dans l’attention à ce qu’ils vivent. Et si les paroisses disent avoir une mission de proximité, alors qu’elles prennent part à la vie des villages, des communes, des quartiers. En étant non pas à côté de mais aux côtés de tous ceux qui cherchent le vrai ; luttent pour le bien ; soignent le beau ; s’engagent pour plus de justice. Collaborer avec ceux qui luttent contre tout ce qui défigure l’humain ; prendre des initiatives avec ceux que préoccupe l’écologie intégrale.

C’est clair : pas de synodalité féconde sans fraternité. Et pas de fraternité évangélique sans nous laisser convertir le cœur. Être une Eglise fraternelle, être une Eglise en sortie ne veut pas dire : moins de prière, moins d’écoute de la Parole, moins de sacrements ! Bien au contraire… Nos communautés, et nos rassemblements nous sont donnés pour que nos façons d’être soient nourries par le Christ ; pour réaliser de l’intérieur toute la confiance qu’il nous fait ; pour être envoyés par lui, avec lui et en lui.

C’est la mission de nos communautés : nous inviter ensemble à fléchir les genoux devant le Christ comme disait S. Paul. On y vient pour prier les Ecritures, accueillir les sacrements, vivre de l’eucharistie, car cette fraternité, parfois éprouvante, mais aussi la joie d’en vivre, cela ne peut venir que de Lui : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».

Amen.

+ Jean-Luc Hudsyn

Illustration : CCO – Pixabay – Gerd Altmann