Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Mgr Hudsyn partage impressions et échos de la visite ad limina

À la fin de cette visite, qui a eu lieu du 21 au 26 novembre, Mgr Jean-Luc Hudsyn s’est prêté à l’exercice de nous faire part de ses impressions et échos, nous l’en remercions !

Une visite ? Un pèlerinage aussi !

On a souvent évoqué la visite ad limina comme un pèlerinage : c’est vrai et ce n’est pas qu’une formule pieuse.

Ainsi, ce n’est pas rien que de commencer par une eucharistie et de terminer par un temps de prière prolongé au tombeau de Pierre – surtout si par la visite des fouilles on sait ce qu’il y a derrière ce mur de la Chapelle de la confession de S. Pierre.

Et aussi d’avoir prié devant celle de Paul en la Basilique de S. Paul-hors-les-murs. Sans compter les autres temps de célébration et les moments de prière personnelle.

Cela m’a beaucoup aidé – en ce qui concerne ma situation personnelle – pour prier sur comment être pleinement évêque mais autrement quand j’aurai transmis ma charge concernant le Brabant wallon.

Je n’oublie pas qu’en fin de la rencontre que nous avons eue avec lui, le Pape nous a demandé de soigner d’abord notre proximité avec le Seigneur.

La communion entre évêques s’en trouve renforcée

Une telle visite c’est aussi une démarche d’équipe entre évêque. Nous vivons quand même quasi une semaine ensemble pour les déplacements, les repas, les réunions, les visites… On se découvre autrement les uns les autres : les caractères, les émotions, les réflexions, l’humour, les différences mais aussi, il faut le dire, la fraternité et la communion entre nous. Ce qui n’est pas rien.

La Curie, « ancienne » et « nouvelle »

Nous avons rencontré une Curie romaine en pleine transformation et remaniement suite aux modifications récentes apportées par le Pape François depuis cinq ans.

On peut parler des « vieux dicastères », (trop ?) bien rodés dans leur mission. Avec eux, il a fallu parfois du temps pour s’expliquer : pour faire comprendre par exemple comment fonctionnent les relations entre l’Eglise et l’Etat dans la spécificité de la Belgique, de l’histoire de sa Constitution, dans la multiplicité de ses gouvernements sur ces seulement 30.000km²…, ce qu’on appelle sa « lasagne institutionnelle ». Expliquer, par exemple, que collaborer avec le Parlement pour la pédocriminalité des prêtres et des religieux ce n’était pas s’inféoder mais qu’il y avait là une chance unique d’éviter et de se voir reprocher de régler une fois de plus les affaires « en interne » et à notre avantage… Ce qui a été d’ailleurs reconnu par nos interlocuteurs.

Il a fallu aussi expliquer qu’à l’expérience la sécularisation croissante est à prendre aussi comme un défi spirituel et pastoral pour l’Eglise. Bien sûr, cela demande qu’elle vive ce défi avec foi et élan, dans une présence accrue à nos contemporains, à la société, à la culture de ce temps. Bref que l’Eglise soit réellement réellement « en sortie ». Et reconnaissons que cela va nous demander d’entrer encoure dans bien des conversions. Et que c’est aussi à chaque chrétien de vivre davantage sa vie comme une mission, une vocation. Qu’il faut entrer dans cette audace et celle liberté de savoir « rendre compte de notre espérance ». Mais on a aussi rappelé la suite de cette phrase de S. Pierre : le faire, oui, mais « avec douceur et respect ». On y est revenu plusieurs fois en disant que sans cette « douceur et cet respect » on pourrait vite nous reprocher de retomber dans un cléricalisme pas si lointain.

On a dû aussi s’expliquer sur le fait que c’est qui est en train de germer comme redécouverte de la foi, comme redécouverte du sens de la transcendance et de sa pertinence, ne se discerne peut-être pas d’abord aujourd’hui en consultant les statistiques de la pratique régulière du dimanche ni – même si on peut le regretter – du côté des séminaires et des noviciats.

Curie et conférence épiscopale s’enrichissent mutuellement

Certains dicastères comprenaient d’ailleurs bien cela en particulier – mais pas seulement – les dicastères et les départements nouveaux. Un peu obligé de s’excuser qu’ils sont novices… mais ce qui ne les empêchaient pas d’avoir bien lu nos rapports et d’engager avec nous un dialogue où toutes les membres des équipes présentes participaient sans se contenter d’un fonctionnement top-down du responsable. Là on y trouve plus de laïcs, de femmes, de personnes jeunes : il s’en dégageait une sorte de fraicheur dans la communication et dans l’échange. Et aussi – mais de façon plus générale – une intégration de ce que veut le Pape : une curie au service à la fois du Pape et des conférences épiscopales, où chacun enrichit chacun dans l’analyse et la vision.

Quelles sont les questions qui ont été abordées ?

Une visite Ad limina n’est pas le lieu où des décisions se prennent comme telles. Nous n’y allions pas pour cela et cela ne s’est pas passé ainsi. Ce qui n’empêche – et c’est le but – que nombreuses questions ont été abordées – et pas seulement celles où la presse espérait des révélations polémiques ! Il faut être de bon compte : avec franchise, on a parlé de questions dont il était presque inimaginable il y quelques années qu’on puisse en débattre ensemble avec autant de simplicité confiante, sans pour autant éviter les questions ni (et pourquoi d’ailleurs ?) en arriver à ce qu’on ait finalement tous les mêmes approches.

Et donc, oui, on a parlé dans plusieurs dicastères et avec le pape de la question de la pastorale des personnes homosexuelles mais en relisant avec eux nos textes officiels et pas ce que certains ont voulu leur faire dire ; on a évoqué la question de l’ordination de certains hommes mariés ; le diaconat féminin ; mais aussi la traduction des missels ; les abus de toutes sortes ; la mise en œuvre de la synodalité « à tous les niveaux » ; les polarisations dans l’Eglise (moins fortes chez nous que dans certains autres pays) ; le rôle des institutions chrétiennes, les écoles, les universités ; la diaconie de l’Eglise, l’écologie intégrale, les pauvretés, le développement ; la mise en œuvre de la collaboration entre prêtres, les diacres et les laïcs ; les missions pastorales accordées à des laïcs dans les Unités pastorales ; la formation théologique…

La rencontre « interdicastérielle », une nouveauté 

En fait, c’est la grâce de Rome pour nous : c’est que toutes les questions pastorales, éthiques, théologiques, sociétales peuvent y être travaillées, approfondies, débattues. Cela ne se fait pas sans tension mais avec cette précieuse nouveauté : cela se fait de façon plus transversale. Pour la deuxième fois seulement, la rencontre s’est terminée par une rencontre « interdicastérielle » où étaient présents les différents préfets des dicastères et tous les évêques belges. Une rencontre animée (de main de maître) par le Secrétaire d’Etat, le Cardinal Parolin. Moment où ont pu se débattre des questions justement plus transversales, concernant plusieurs dicastères. Ils n’ont pas hésité d’ailleurs de reconnaitre que de telles rencontres… manquaient quelque peu entre eux ! Ici, chacun entendait la même chose venant de la bouche même l’intervenant et non pas chacun par ses canaux d’information à lui et habituels…

Ce fut très franc, vrai, mais on s’est donné vraiment le temps de dialoguer (on a largement dépassé l’horaire prévu). Cela a permis de voir aussi que les différences de sensibilité ne se jouaient pas dans un simple face à face entre une sorte de « eux » et de « nous »… Cela fut dit plusieurs fois : c’est bien l’intention des visites ad limina : sortir de cette vision simpliste et appauvrissante où il y aurait « la Curie » d’un côté et les conférences épiscopales de l’autre. Chacun a à apprendre les uns des autres, nous a-t-on dit, plusieurs fois. Et ceux d’entre nous qui ont vécu antérieurement d’autres visites Ad limina, ont senti combien un nouveau style – synodal ! – était de facto en train de se mettre en place.

À Rome, l’Église universelle est palpable

D’autant que la richesse d’une telle visite c’est aussi de toucher à l’Eglise universelle et de s’ouvrir à la complexité du monde : ont donc été présentes à nos échanges (aussi grâce à l’ambassade auprès du Saint-Siège) l’Ukraine, la Russie, le Congo, la Chine, l’Amérique latine, l’Union Européenne.

Un temps de grâce : la rencontre avec le pape François

Inutile de répéter (mais si quand même) ce temps de grâce que fut la rencontre de notre conférence épiscopale avec le Pape François, sans témoin. Deux heures durant, sans voir passer le temps, ni nous ni lui…, nous avons vécu un partage fraternel, où il a exercé son art d’être pasteur de tous et son charisme de « confirmer ses frères » comme le dit Jésus à Pierre.

Ecoutant, inspirant, reconnaissant, élargissant les questions, expliquant sa façon de s’y prendre, plein d’humour, pointant l’essentiel, soucieux de faire avancer chacun et chaque situation pour en tirer le meilleur, fondamentalement encourageant, et confiant… Comme il estime que Dieu l’est pour chacun de nous ! On peut être étonné d’un si grand engouement des évêques à la sortie de cette rencontre : il faut le vivre pour le comprendre !…

Quant à son message final, il tenait à un mot : proximité : avec Dieu, entre nous, avec les prêtres et nos collaborateurs, avec le Peuple de Dieu et surtout ceux qui se sentent ou qu’on laisse hors-jeu.

+ Mgr Jean-Luc Hudsyn,
Wavre, le 28 novembre 2022

Illustrations : © Vatican Media et © Geert De Kerpel

Voyez aussi l’article général sur la visite ad limina, en cliquant ici