
Homélie de Mgr Jean-Luc Hudsyn pour le Vendredi saint 2017 à Basse-Wavre – 14 avril 2017
Sœurs et frères,
Si la résurrection était célébrée sans Vendredi saint, alors cette résurrection risquerait bien de n’être qu’une sorte de rêverie… Nous le savons bien, sans se réduire à cela, notre vie, toute vie, est tôt ou tard confrontée au mal, à la violence et à la mort. C’est vrai pour tant de peuples aujourd’hui même. C’est vrai pour tant d’hommes et de femmes et d’enfants. Et peut-être devant la croix, ressentons- nous ce soir avec plus d’acuité le poids de l’épreuve, pour nous-mêmes ou pour nos proches.
Tout est accompli, vient de dire Jésus. Envoyé de la proximité aimante de Dieu, Jésus est venu partager jusqu’au bout -et ô combien- ce tragique de nos vies. Nous l’avons entendu : il a connu la trahison ; le mépris ; il a été frappé ; maltraité ; renié ; il a été injustement « arrêté, jugé et supprimé » comme disait le prophète Isaïe.
Tout est accompli ! Il a tout connu de la face obscure de notre condition humaine. Les évangiles osent même nous dire qu’il a été jusqu’à éprouver le sentiment d’être comme abandonné de Dieu. Ce qui ne l’a pas empêché pourtant de continuer de prier son Père, de lui faire confiance. De lui dire : Père, entre tes mains je remets mon esprit.
Mais en réalité, était-il abandonné de Dieu ? Il est des moments où nous pouvons avoir l’impression de ne plus ressentir affectivement la présence de Dieu. Mais Dieu cesse-t-il pour autant d’agir en nous ? Si nous lisons bien ce qui se passe sur la croix, ne devons-nous pas dire que non ! Dieu n’a pas abandonné son Fils. Que son Esprit continue de faire en lui son œuvre de vie et d’amour, même sur la croix.
Regardons bien : hué et moqué, il pardonne jusqu’au bout à ceux qui pourtant sont sans pardon pour lui. Crucifié, il continue d’aimer le larron, il prend soin de Marie et de saint Jean. Et cette soif qu’il éprouve, n’est-ce pas celle qu’il avait au bord du puits avec la Samaritaine ? Il continue d’avoir soif de nous et de Dieu, de nous désirer. Sur la croix, il continue de désirer Dieu, de croire et d’espérer en son Père. Aussi, s’abandonnant à lui, il lui remet son Esprit.
Ce soir, dans nos obscurités et nos épreuves, il nous montre jusqu’au bout le chemin de la foi, de l’espérance et de l’amour. Il nous dit que, dans nos chemins de croix -les nôtres et ceux du monde- même s’il fait nuit, Dieu ne nous abandonne pas. Même dans nos moments difficiles et nos épreuves, il est là en nous pour nous garder croyants malgré tout. Il nous permet, au creux de nos limites, de nos faiblesses, de nos infirmités, de continuer à donner de l’amour et de l’espérance à ceux qui nous entourent. Il nous invite à être comme des Simon de Cyrène soutenir et porter avec eux la croix des autres. Être comme Marie, fidèle et priante au pied de la croix de ceux qui nous sont proches. Être comme saint Jean qui n’abandonne pas Jésus, qui n’abandonne pas cette première petite communauté d’Église qui est dans l’épreuve.
Donner notre vie jusqu’au bout, comme Jésus, cela peut peut-être nous effrayer. Mais Celui qui est venu partager nos faiblesses connaît les nôtres, comme il connait celle de Pierre et de ses apôtres. Il a montré que sa miséricorde pour nous est sans limite. Si, sur la croix, il remet son Esprit à Dieu son Père, c’est aussi à nous déjà qu’il remet son Esprit.
C’est pourquoi nous allons vénérer cette croix : car même au cœur de nos ‘Vendredi saint’, Pâques creuse son chemin vers nous.
Nous allons ensuite communier au Christ, car déjà ce soir il murmure à notre cœur : Relève-toi. Car je suis pour toujours avec toi.
+ Jean-Luc Hudsyn