Synthèse de la démarche synodale
dans le vicariat du Brabant wallon
Wavre, le 20 avril 2022
Processus de consultation
Entre octobre 2021 et avril 2022, l’évêque et son Conseil ont mis en place une consultation synodale en trois volets :
- Relecture synodale de la démarche Tous disciples en mission vécue en Vicariat en 2018-2019
- Création de 12 groupes thématiques, de 8 à 20 personnes : monde carcéral, monde de la santé, familles, jeunes, migrants, monde précarisé, catéchumènes, monde de l’écologie intégrale, animateurs pastoraux, diacres et conseil presbytéral.
- Évaluation de la création des Unités pastorales (UP) et de la vie en leur sein, par une consultation large (des conseils d’UP et des paroissiens) et rédaction d’une synthèse décanale.
Chaque groupe ayant participé à la consultation a choisi les questions qu’il souhaitait approfondir parmi celles proposées par notre évêque et par le Vademecum du Synode. Au total, 28 synthèses sont parvenues à l’équipe rédactrice de la synthèse finale. Un premier travail a été fait pour rassembler les concordances et repérer les spécificités, en deux grandes parties : la synodalité telle qu’elle est vécue aujourd’hui et telle qu’elle est rêvée pour demain. Cette synthèse a été relue et validée par le Conseil vicarial.
Expérience vécue durant la consultation
La célébration d’ouverture en diocèse a été fort appréciée pour ancrer la démarche synodale dans une dynamique positive, tournée vers l’avenir. Le climat priant de plusieurs rencontres a également été souligné comme important et propice à l’échange. Ce qui revient le plus souvent, notamment chez ceux qui sont plus ‘éloignés’ de l’Église ainsi que chez des paroissiens qui n’ont pas d’implication dans les organes décisionnels des paroisses, c’est la joie de se rencontrer, de pouvoir donner son avis, d’être écouté en vérité et sans tabou. Dans certaines paroisses, ce sont les laïcs qui ont été moteurs de la consultation. Plusieurs paroisses et UP ont signalé que le temps donné pour répondre à la démarche synodale a été trop court pour permettre de rencontrer les personnes non habituées à nos églises et pour entrer en profondeur dans ce sujet. De manière positive, cela fait naître le désir de poursuivre la démarche localement et de tirer des conclusions locales des éléments reçus lors de la consultation. Il ne s’agirait pas seulement de réfléchir, mais aussi de discerner des pistes concrètes et d’agir.
La réalité actuelle de la synodalité de l’Église locale
Les Unités pastorales
Globalement, les instances des Unités pastorales en Bw sont considérées comme des lieux-clés où s’exerce la synodalité : collaboration, collégialité, co-responsabilité, complémentarité, synergie, entraide et fraternité caractérisent leur fonctionnement.
Néanmoins, ce vécu synodal en UP est confronté à des difficultés. Tout d’abord, « l’esprit de clocher » fait craindre à certains que l’UP n’engloutisse les paroisses qui vont ainsi perdre leur identité. Les activités communes nécessitent une mobilité géographique et intérieure (sortir de sa zone de confort) qui n’est pas toujours au rendez-vous. Un manque de communication envers les paroissiens peut aussi donner l’impression de décisions imposées d’en haut et ne prenant pas en compte la réalité du terrain. Ces éléments peuvent contribuer à la persistance des résistances à fonctionner en UP. Les questions financières peuvent aussi être sources de tensions avec les Fabriques d’église et les AOP.
Le manque de bénévoles engagés au service des UP est une autre difficulté qui a pour conséquence que ce sont souvent les mêmes qui s’impliquent, au risque de s’essouffler, se décourager ou s’ériger en « irremplaçables ».
La création des UP participe à la construction d’une fraternité et d’une communion réelles et spirituelles entre les fidèles. Elle permet la créativité, la meilleure répartition des tâches, encourage dans la foi. Néanmoins, ce « faire Église autrement » prend du temps : le désir de progresser en synodalité est menacé par la tentation d’aller plus vite, en décidant tout seul ou en petit comité.
L’autorité et les ministères dans l’Église
Au niveau des instances institutionnelles, le travail en équipe, comme dimension de synodalité, est une constante au sein du Centre pastoral du Bw. Il y a de la coresponsabilité et les décisions se prennent ensemble, tout en tenant compte des diversités. On relève aussi une bonne communication entre l’évêque, les différentes instances vicariales et le terrain, facilitant les décisions et projets communs vécus en communion. Sur le terrain, les instances locales sont de « réels lieux de collaboration, de coresponsabilité, de dialogue, de discernement », permettant une répartition des missions entre prêtres et laïcs, respectueuse des charismes et compétences de chacun.
Quant à l’autorité dans l’Église, autant au niveau des paroisses elle est perçue de manière plus participative, autant à d’autres échelons, dès l’UP, elle peut être ressentie par les fidèles comme pyramidale, hiérarchisée et perçue comme déconnectée ou intrusive. Cette perception peut représenter un frein à l’exercice de la synodalité.
Pour ce qui est du cléricalisme, son poids n’a pas encore disparu et peut se retrouver également chez les laïcs en responsabilité. Une vigilance de tous est donc prônée. Cependant, le Pape est vu comme ouvert, inspirant, humble, aligné au message du Christ. Les fidèles ont de la gratitude vis-à-vis de lui et constatent qu’il peut être bloqué par un certain conservatisme de l’Église.
Par ailleurs, le rôle du prêtre est modifié : pour certains, il devient plus un « officiant liturgique » qu’un pasteur. Beaucoup dépend encore en pastorale de la personnalité du prêtre, de son dynamisme et charisme. Les diacres permanents, pour leur part, constatent qu’autant leur ministère et leur mission sont compris par l’évêque, autant ils ne le sont pas toujours par les prêtres et les paroissiens. De fait, aucune synthèse, autre que la leur, ne les mentionne.
Le sujet des femmes dans l’Église revient dans de nombreuses synthèses. Leur présence est reconnue par certains, mais jugée minoritaire par d’autres, notamment dans les instances décisionnelles où est souhaitée une parité hommes-femmes. « Le fait que la femme n’ait pas sa place dans les orientations concernant la famille, le couple et la contraception, est insupportable. »
La mission
Les synthèses mentionnent plusieurs initiatives à destination des personnes éloignées ou ‘hors Église’. Même si on constate en général que les personnes se sentent bien accueillies, il est noté aussi un manque de personnes engagées pour prendre le temps de la rencontre et du partage en confiance. Or, c’est souvent le seul lien restant avec l’Église : cette présence au monde devrait donc être repensée en profondeur et soignée… d’autant plus que l’éloignement de l’Église est souvent la conséquence de grandes difficultés où les personnes se sont senties abandonnées, notamment de Dieu.
L’Année « Tous disciples en mission » vécue en Bw en 2018 a engagé un processus synodal dont les fruits ont nourri les orientations pour l’avenir, données par l’évêque dans une lettre pastorale. Cette démarche souhaite inspirer un processus de conversion missionnaire de longue durée, soutenu par la création d’un Service vicarial spécifique.
Enfin, le domaine de l’écologie intégrale demande une ouverture aux autres, croyants ou pas. Des synthèses témoignent d’un désir d’une Église qui s’engage plus activement dans ce domaine : en intégrant plus les propos de Laudato Si’ dans la prière, dans les homélies, dans les gestes concrets de conversion, tout en évitant un discours culpabilisant, mais en rejoignant le désir profond.
Les joies et les peines
Il y a de la joie « d’être ensemble, d’être croyants, de se retrouver à la messe pour prier ensemble ». Vivre en chrétien quotidiennement ou s’engager dans un service d’Église procure le sentiment de faire partie de l’Église avec un grand ‘E’. La fraternité s’exprime dans les partages à la sortie de la messe et dans le souci des absents. Certains voudraient que cette dimension se vive au-delà de la paroisse : au niveau de l’UP.
La vie en Église présente des lumières, malgré les ombres : des expériences positives vécues dans l’enfance, par exemple par les personnes incarcérées pour qui l’Église est synonyme d’un lieu d’apaisement, d’espérance, d’évasion. Malgré les « dossiers délicats », ces personnes croient en la capacité de l’Église à faire du bien aux enfants aujourd’hui. D’autres insistent sur « l’importance de reconnaître ce qui est beau dans l’Église » car son image a été terriblement ternie. Les personnes d’origine étrangère témoignent de leur reconnaissance pour l’accueil reçu et remarquent une différence par rapport à leur pays d’origine : ici, on est plus dans la qualité que la quantité.
Les fragilités
Préoccupation importante, l’absence des jeunes dans les paroisses. Elle est principalement attribuée au langage et aux rites qui ne rejoignent pas la réalité des jeunes. Les synthèses témoignent d’un désir de propositions plus dynamiques, pas exclusivement des célébrations eucharistiques, à destination des jeunes, mais aussi des jeunes adultes qui semblent parfois oubliés. La nécessité de recourir à un langage compréhensible et pertinent demande de se former pour mieux communiquer. Certains reconnaissent que, comme l’Église n’a pas bonne presse, les jeunes peuvent avoir honte d’avouer qu’ils la fréquentent.
Plusieurs déplorent le décalage entre l’Église et nos contemporains. Ils constatent un renfermement de l’Église, un manque d’adaptation à l’évolution de la société, mais aussi des attitudes de jugement, un manque de remise en question, de réflexion sur l’avenir, la difficulté à quitter ses habitudes et à entreprendre des projets nouveaux. Pour certains, le décalage entre ce que l’Église prône et ce qu’elle fait vraiment est « détestable » et peut créer de la méfiance.
Quant à la présence de l’Église dans la sphère publique, deux tendances sont observées : d’un côté, les médias parlent de l’Église seulement au sujet de dossiers délicats. De l’autre, certains trouvent que l’Église ne s’affirme pas assez, qu’elle est devenue trop timide.
Un autre point faible relevé concerne les situations où les personnes ne se sentent pas accueillies ou se sentent jugées. Certains exclus (divorcés, détenus…) pensent ne pas mériter d’entrer dans l’Église, alors que d’autres (femmes ou jeunes) ne trouvent pas de lieu pour être écoutés et pris en compte.
On observe un certain désengagement de la part de laïcs par peur d’être submergés par la tâche, mais aussi de la part de certains prêtres venus d’ailleurs, dont la perception du ministère souffre de la confrontation avec la réalité ecclésiale belge.
Pour avancer dans l’esprit synodal
La mission de l’Église
La consultation a largement fait apparaître que pour avancer sur le chemin de la synodalité (à condition d’adhérer tous au principe de synodalité), l’Église devrait être plus missionnaire, vivre le message évangélique qu’elle annonce dans un esprit de cohérence. La volonté est très forte d’aller à la rencontre de l’autre, de faire un chemin avec lui, de lui offrir une disponibilité gratuite, d’être témoins les uns pour les autres. Il y a aussi le désir de devenir toujours plus une Église compatissante et proche de tout homme, capable d’intégrer les réalités d’aujourd’hui, de s’engager dans les grands problèmes sociétaux actuels. La majorité des synthèses mentionne le souhait de pouvoir accueillir tout homme : chacun devrait pouvoir avoir une place et se sentir « à la maison » dans l’Église. Plus spécifiquement, on relève
- le désir de rejoindre les jeunes dans leur recherche de spiritualité, mais aussi de leur donner une place active,
- la récurrence des questions sur l’accueil des divorcés remariés, des familles recomposées, des couples de même sexe, ou encore sur l’euthanasie ou la contraception,
- le souci d’une Église en dialogue avec d’autres églises chrétiennes et avec les autres religions,
- la nécessité de sortir de l’entre-soi, d’être plus à l’écoute de ceux qui restent dehors, de leur donner la parole,
- le rêve d’une Église moins figée dans les rites ou les dogmes, plus portée par l’Esprit,
- le défi, selon les jeunes, de retrouver le sens de l’Église et des valeurs qu’elle prône, et comme Église, d’être signe d’un rapport réconcilié avec la création.
La formation, en vue de la mission
La formation et la relecture de nos pratiques pastorales peuvent aider à une communication efficace, favoriser la participation de tous et vivre des rencontres en vérité, mais aussi à se mettre à l’école de Jésus pour s’ajuster au Christ. Les synthèses soulignent aussi la nécessité d’insister sur la formation continuée pour les prêtres, afin de leur permettre de répondre adéquatement aux demandes d’aujourd’hui. La responsabilisation des laïcs soulève la question de leur formation et de la juste délégation en fonction des compétences et charismes.
Plus de relations
Un autre pas possible vers plus de synodalité est l’amélioration du dialogue et des attitudes au sein de l’Église, à tous les niveaux. Il faut combattre les divisions de l’Église, les extrémismes, les préjugés, et vivre l’humilité. Nous devons être unis, tout en acceptant nos différences. Une autre manière de faire grandir la synodalité dans l’Église est l’élaboration de projets qui font grandir la fraternité et l’unité au sein et entre les communautés : vivre et prier ensemble, avant de réaliser ensemble.
L’autorité et des ministères dans l’Église
Avancer vers une Église plus synodale pourrait se faire aussi en réduisant la distance entre la hiérarchie et le peuple, non seulement par une plus grande participation du peuple aux décisions (jusqu’à « l’élection des évêques »), mais aussi de voir les évêques vivre plus au milieu du peuple.
La majorité des synthèses aborde le sujet de l’obligation du célibat des prêtres et du refus d’ordonner des hommes mariés. Beaucoup ne les comprennent pas et déplorent le départ de bons prêtres qui quittent le sacerdoce car le célibat est trop exigeant.
La question de l’ordination des femmes au diaconat et au sacerdoce ministériel, mais aussi plus largement de leur place dans l’Église est, elle aussi, récurrente : les femmes sont missionnaires, porteuses de vie et de lumière. Quelques synthèses préconisent l’accès des femmes à la prêtrise qui « pourrait apporter une certaine complémentarité ». Comment mieux reconnaître leur rôle et leur importance dans l’Église ? Une des synthèses proposait l’ouverture d’un Synode sur les ministères dans l’Église.
Liturgie soignée et dynamique
Même s’il est souligné l’importance de la foi plus que de la pratique liturgique, plusieurs synthèses relèvent la nécessité de soigner et de dynamiser la vie liturgique des communautés : rendre les célébrations plus vivantes, plus dynamiques, organiser des liturgies pour les familles, multiplier les célébrations de la Parole, prévoir davantage d’interactivité pour les paroissiens , prêter une attention particulière à la musique, équilibrer avec le silence, soigner la beauté des célébrations, adopter un langage et un vocabulaire simplifiés, accessibles à tous, enfants inclus.
La synodalité peut être favorisée également en soignant l’accueil des nouveaux venus, en solennisant leur arrivée, en veillant à leur intégration dans divers champs pastoraux. À ne pas négliger non plus l’attention accordée aux demandes de sacrements qui sont des lieux privilégiés pour rencontrer les personnes et proposer des cheminements adaptés de (re)découverte de la foi. Les personnes précarisées trouvent que l’Église devrait offrir gratuitement ses services (enterrements)[1]. La question des « rites de passages » et notamment de l’accueil des personnes dont « l’appartenance ecclésiale » est partielle est aussi évoquée comme demandant une attention particulière.
[1] Ce qui est prévu dans les documents officiels – invitation à mieux le communiquer.