Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Nous sommes l’Église du Christ !

Homélie prononcée par le cardinal Jozef De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, lors de la messe chrismale à Nivelles, le mercredi 17 avril 2019.

Frères et sœurs,

La prophétie d’Isaïe que nous venons d’entendre date du temps de l’exil. Beaucoup sont revenus de Babylone. Mais leur déception est grande. Le temple est détruit, Jérusalem démantelée. Entre-temps, d’autres se sont installés dans le pays. Eux-mêmes sont des étrangers dans leur propre pays. En plus, ils sont pauvres et leur avenir est incertain. Et c’est précisément à ce moment-là, et dans des circonstances si pénibles, qu’un prophète se lève et annonce la bonne nouvelle : L’Esprit de Dieu est sur moi et il m’a consacré par l’onction pour annoncer la bonne nouvelle, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer une année de grâce accordée par le Seigneur. Fini le temps de tristesse et de deuil : Vous serez appelés Prêtres du Seigneur ; on vous dira Servants de notre Dieu.

L’évangile nous montre quelle importance cette prophétie a eue pour Jésus. Ces paroles l’ont aidé à discerner sa propre mission. Il s’est reconnu dans ces paroles. En lui, la prophétie s’est accomplie. C’est lui le consacré sur qui repose l’Esprit. C’est lui qui est envoyé porter la bonne nouvelle à tous ceux qui sont perdus et qui annonce une année de grâce et de libération. C’est avec ce message qu’il parcourt tout le pays. En faisant le bien et en guérissant. C’est ce même évangile que nous avons lu aussi aux funérailles du cardinal Danneels : paroles qui ont inspiré et guidé sa vie et sa mission comme notre évêque pendant tant d’années.

Les lectures de cette messe chrismale restent d’actualité. Avant tout la lecture d’Isaïe. Au temps d’Isaïe, le peuple de Dieu était en grande crise. C’était son existence même qui était mise en question par l’exil. Nous non plus, nous ne vivons pas des temps confortables. Nous avons conscience des changements que la foi et l’Église doivent subir ici dans nos régions. Mais en plus, notre crédibilité a été atteinte. Dernièrement encore, nous avons été confrontés à des abus dans l’Église. Incompréhensible, le mal qu’on a fait à des enfants. Et tout récemment, nous avons appris le mal également fait à des religieuses. Ces victimes, on les laissait à leur sort. Nous étions surtout préoccupés par notre propre image. Peut-être que c’est ainsi que nous devons comprendre notre situation : une Église en exil. En exil à cause d’une société qui a complètement changé, un changement sur lequel nous n’avons pas de prise. Mais en exil aussi par notre propre faute et par notre propre péché. Nous avons un passé très riche. Mais nous avons eu aussi un réel pouvoir. Et quand on a le pouvoir, il y a le risque d’en abuser.

Chers amis, si je vous dis cela en toute franchise, ce soir même où nous nous sommes rassemblés dans la joie, ce n’est pas pour vous décourager. Au contraire. Mais pour vous dire que la crise est sérieuse. Nous ne pouvons pas la passer sous silence. Dans une lettre adressée aux prêtres, Monseigneur Hudsyn leur a demandé d’en parler entre eux. Je ne peux qu’appuyer sa demande. Et cela vaut pour nous tous. Ce n’est pas seulement la crédibilité de l’Église qui est atteinte, mais aussi la nôtre en tant que responsable pastoral, prêtre, diacre, laïc ou religieux. C’est pour nous tous et toutes une souffrance. Il faut donc en parler et voir ce que cette situation d’exil signifie pour nous et pour notre agir pastoral. Et voir aussi où nous avons besoin de conversion.

Mais surtout : luttez contre la tentation du désespoir et du défaitisme. Ce n’est pas vrai que tout est fini et que notre mission n’a plus de sens ni d’avenir. Les circonstances ont changé. C’est vrai. Elles sont moins confortables. Mais notre mission reste la même et reste urgente. Là aussi, Monseigneur Hudsyn, dans sa lettre pastorale, vous invite à être tous et toutes disciples en mission. Un appel justement à l’audace d’une conversion. Nous venons de l’entendre de la bouche même de Jésus à la synagogue de Nazareth : l’évangile est et reste une bonne nouvelle. Nous ne pouvons pas être sourds à celui qui nous l’annonce. Il y a quelqu’un sur qui repose l’Esprit de Dieu ; quelqu’un qui a été consacré par l’onction et qui a été envoyé, à nous aussi, pour apporter cette bonne nouvelle, cet évangile de l’humanité de Dieu. C’est lui, le Christ, l’évangile vivant au milieu de nous. Il n’y a pas d’autres chemins pour nous, pas d’autre issue. C’est lui que nous devons suivre. Tout ce qui nous sépare de lui, nous devons l’abandonner. Non seulement tout abus de pouvoir mais aussi tout désir de l’avoir, toute rivalité et toute division entre nous.

Nous sommes l’Église du Christ. C’est là notre vocation : former communauté autour de Lui et être signe de l’amour de Dieu pour ce monde. Selon les paroles d’Isaïe : Vous serez appelés Prêtres du Seigneur ; on vous dira Servants de notre Dieu. Nous venons de l’entendre aussi de Jean : Lui qui nous aime et qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, Il a fait de nous un royaume et des prêtres. Nous sommes un peuple sacerdotal. Le prêtre, c’est le médiateur entre Dieu et les hommes. C’est celui qui ouvre le chemin et nous fait parvenir jusqu’à Dieu. Ce prêtre, c’est le Christ et lui seul. S’il y en a dans l’Église qui ont reçu le ministère sacerdotal, c’est pour être signe et sacrement de Celui qui seul guide et préside son Église. Mais notre mission commune reste, notre mission comme peuple sacerdotal : faire connaître Dieu et aider nos contemporains à trouver le chemin vers Lui.

C’est pourquoi nous avons besoin les uns des autres. Bien sûr, nous avons tous et toutes nos propres sensibilités et nos propres charismes. D’où la diversité et parfois aussi les tensions. Mais que celles-ci ne soient jamais source de division et de rivalité. N’oubliez pas que ce qui nous unit, c’est notre foi et notre attachement au Christ. C’est lui qui fait de nous des frères et des sœurs. Vous, prêtres et diacres, vous allez ce soir renouveler votre promesse d’ordination Que ce soit le signe de votre amour pour le Seigneur et de votre fidélité. Et vous les animateurs en pastorale qui nous assistez dans notre mission, vous religieux et consacrés, et vous tous et toutes, membres du peuple de Dieu, c’est à nous tous que le Seigneur dit : Je suis avec vous. Et répondons-lui de tout cœur : À qui irions-nous ? Tu as les paroles de vie éternelle.

Jozef, cardinal De Kesel
Archevêque de Malines-Bruxelles