
Ce 25 décembre, Mgr Jean-Luc Hudsyn a présidé la messe du jour de Noël en l’église de Thorembais-Saint-Trond. Voici le texte de l’homélie qu’il a prononcée.
Sœurs et frères,
Nous avons entendu le beau début de la lettre aux Hébreux : A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils.
Cette nuit partout dans le monde, on a célébré la manière dont Dieu s’y est pris cette fois-ci : Un enfant nous est né ! Malgré le bruit des armes que connaissent tant de régions du monde ; malgré les tensions sociales et les crises politiques qui malmènent bien des pays ; malgré les découragements, les tristesses que peuvent ressentir les mal-aimés, les mal-écoutés, les mal-heureux qui nous entourent ou dont nous faisons peut-être partie, beaucoup cette nuit, et en ce jour encore, ont entendu cet appel éternel des anges à nous lever – même dans notre nuit – pour nous rassembler autour de cet enfant venu de Dieu.
Une fois de plus, il continue d’exercer en ce monde volontiers sceptique, parfois cynique, une étrange attirance. En tout cas nous voilà réunis autour de lui. Un étrange envoyé de Dieu, plutôt déconcertant : Dieu qui vient nous parler au travers d’un enfant couché dans une crèche. Il est là humble, petit, venu sans tambour ni trompette, sans ces effets spéciaux dont la Bible est pourtant familière : tonnerre, éclairs, tremblements de terre… Il vient dans le silence, cet enfant qui nous tend les bras pour que nous prenions soin de lui.
En lui, c’est Dieu qui vient à nous, ont annoncé les anges. Un Dieu qui vient comme un enfant ! Et donc le contraire d’un Dieu qui viendrait pour s’imposer ; qui exige ; le contraire d’un Dieu qui vient pour nous sermonner et dont les premiers mots seraient des injonctions du genre : je veux, tu dois, il faut, il est interdit de… (alors que c’est peut-être cela l’image de Dieu que certains ont tenté de nous apprendre faute d’avoir bien lu les Evangiles…).
Un petit enfant : autrement dit un Dieu désarmé, un Dieu qui n’utilise pas l’arme de la peur, de l’obligation, de la contrainte. Il ne cherche pas à se faire aimer en faisant du chantage : du genre « je t’aimerai si tu m’aimes ». Nous le savons, spontanément un enfant se confie sans condition… Dieu c’est pareil : il nous aime inconditionnellement ; sans que nous ne le méritions. Son amour fait toujours le premier pas : il suffit là aussi de bien lire les Evangiles.
Un Dieu qui n’impose pas sa toute-puissance. Cela ne veut pas dire qu’il est sans force ou sans puissance : la force terrible d’un tout-petit c’est justement qu’il est puissamment désarmant. C’est lui qui nous fait craquer… et nous voilà comme démunis, ne sachant trop comment s’y prendre (surtout nous les hommes !) quand on le dépose dans nos bras. Nous sentons alors monter en nous une étrange émotion, une tendresse émerveillée. Une attention extrême, devant ce cadeau qui nous est confié… et voilà que sa fragilité-même fait monter en nous le meilleur de nous-mêmes. C’est sa force : c’est la force de l’amour. C’est celle-là que Dieu nous apporte. C’est la seule force qui vaille, celle qui peut faire des miracles, la seule qui peut engendrer la vie. Le meilleur de nous-mêmes, n’est-ce pas l’amour qui l’a fait naître en nous ? et qui le fait grandir ? L’amour qui seul redonne de la confiance. La solidarité qui apporte le courage ; qui seul construit un avenir juste et durable. L’amour bienveillant qui construit des ponts et fait tomber les murs de l’indifférence ou du mépris. L’amour affectueux pour ceux qui sont proches et ceux qui sont loin, et qui s’étend aussi à notre sœur la terre et à toutes ces créatures. Voilà ce que nous apporte comme seule arme, comme seule force celui qu’Isaïe appelle Le Prince de la Paix. Il se confie à nous, il nous tend les bras : allons-nous exaucer sa demande d’amour pour lui, pour notre humanité, pour notre maison commune ?
Vous avez entendu S. Jean nous dire avec ses mots à lui : Et le Verbe s’est fait chair : une expression une peu savante et étonnante ! Le Verbe, c’est la Parole de Dieu, c’est Dieu qui parle, c’est Dieu qui se révèle… et comment vient-il nous parler ? En s’incarnant : Il s’est fait chair. Dieu ne vient pas en se faisant sermon, encore moins en se faisant remontrance ; Dieu ne vient pas à Noël en se faisant discours, en faisant des conférences, avec des tirades et des grands phrases… Il vient en prenant notre chair, en s’incarnant. En nous parlant d’abord par cette simplicité de la crèche. Il nous dit que Dieu n’est pas à chercher dans les nuages ou les idées… il est là à ras de terre, à hauteur d’homme, il se trouve dans le quotidien, le concret.
Et donc annoncer sa présence au milieu de nous, être à notre tour témoins de sa présence, exaucer son désir de faire naître une nouvelle façon d’être hommes et femmes à sa suite : cela passe par notre façon de vivre avec lui dans la proximité de l’autre au quotidien ; apprendre à habiter ce corps humain à sa manière – humaine et divine à la fois : regarder les autres avec sa bienveillance ; prendre le temps de les écouter avec attention ; les toucher aussi avec son amour et son respect ; apprendre à lire dans leurs cœurs leurs joies et leurs douleurs ; leur parler avec justesse et savoir leur dire ces paroles qui guérissent et dont il avait le secret : C’est moi ! N’aie pas peur ! Confiance ! Lève-toi ! Je suis avec toi ! Sois en paix !
Noël… une magie, un mystère d’amour qui rassemble, qui apaise. Noël ! Confiance que Dieu nous fait et joie de cet envoi de chacun avec lui pour faire naître plus de fraternité, de foi et d’espérance. Amen.
La photo a été prise dans l’exposition de plus de 150 crèches à Ohain – à voir dans l’église Saint-Étienne !