
Mgr Hudsyn a présidé la messe de minuit en la basilique Notre-Dame de Paix et de Concorde à Basse-Wavre. Voici son homélie.
Sœurs et frères,
Dans ce récit de Noël de l’Evangile de Luc c’est à nous que s’adressent les anges du Seigneur. C’est pour nous que retentit cette Parole de Dieu : « Ne craignez pas ! Je vous annonce une grande joie ! Un sauveur vous est né ! »
« Le sauveur »… : l’Evangile de Luc, nous l’avons entendu, évoque l’empereur Auguste. Nous savons par les historiens que dans tout son prestige, il aimait qu’on lui donne le titre de « sauveur ». Le Sauveur a comme racine un mot qui signifie : « entièreté ». Sauver c’est conduire qqn à sa plénitude. Etre sauvé, c’est être libéré de tout ce qui nous empêche d’atteindre notre accomplissement. Ce salut… nous en cherchons tous le chemin : pour nous, pour ceux que nous aimons, pour ce monde qui nous entoure et qui ne manque pas de nous inquiéter ces derniers temps.
Or voilà que dans un grand bruissement d’ailes, des anges nous invitent à regarder du côté d’un enfant nouveau-né, couché dans une mangeoire. Voilà le Sauveur ! Tout le contraire de cet empereur qui dans toute sa majesté, sa richesse, son pouvoir, veut s’imposer comme le sauveur de son peuple… Ici, il s’agit d’un enfant ! Il nous parle d’un Dieu d’amour, qui n’utilise ni la force ni la contrainte. Qui nous tend les bras. Un Dieu à notre merci. Qui prend le risque de ne pas être reçu… Parce qu’on trouve qu’il n’y a pas de place pour lui dans notre vie, dans nos amours, dans nos affaires, dans nos plans de carrière… Lui, il ne lui faut pas beaucoup de place : faute de mieux, notre vide intérieur lui suffirait amplement !
A qui cette fête de Noël s’adresse-t-elle ?
Je parcoure librement cet Evangile et je vois qu’au passage, on y parle de Quirinius, gouverneur de Syrie… La Syrie… : « Paix sur la terre ! » nous crient les anges. « Paix sur la terre » supplient les anges. Noël c’est Dieu qui dans cet enfant demande qu’on ne l’abandonne pas quand ses propres enfants sont pillés, violés, jetés en exil.
Nous lisons que Noël se passe lors d’un recensement ordonné par l’empereur. Il le fait pour des questions d’argent, pour améliorer, en fait, la rentrée de l’impôt… Pour ses beaux yeux, des familles, Marie et Joseph sont mis sur les routes. Comment Noël ne serait-il pas pour ces hommes, ces femmes, ces enfants qui aujourd’hui fuient les bombes, les confiscations de leurs biens, l’insécurité permanente pour leur famille. Noël, c’est Dieu qui demande qu’on ne l’abandonne pas sur la route de l’exil ; qu’on ne dise pas trop vite qu’il n’y a pas de place pour lui chez nous. Noël c’est aussi pour nous quand notre cœur est dans l’errance, quand nous ne savons pas quels chemins choisir, quand nous sentons dans notre vie comme la brebis perdue, ou comme le fils prodigue qui ont tellement soif d’être accueillis.
Noël c’est une annonce faite à des bergers. S. Luc, sensible aux pauvres, nous parle de bergers car c’étaient des petits, qui « vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs ». Noël c’est Dieu qui vient se faire proche de tous ceux qui sont dehors : ceux de nos rues, mais ceux qui sont aussi en dehors des convenances, pas tout-à-fait en ordre – comme on dit – ceux qui se sentent tenus à distance. Noël c’est aussi pour nous quand nous manque l’affection des autres ; quand nous avons le sentiment de pas vraiment entendus ; quand on doute de nos capacités.
Noël c’est aussi pour les familles qui vivent comme Marie et Joseph dans l’inquiétude pour leurs enfants. Noël c’est pour les couples, les familles qui vivent des moments de nuit, ceux qui sont devant des portes qui semblent se fermer, celles qui sont dans la pauvreté.
Noël n’est pas une fête naïve : elle est destinée à tous ceux dont – ne fut-ce qu’un coin de leur cœur – est dans la nuit. Et qui échappe à cela ? Mais c’est une fête qui vient nous sauver : car Dieu continue de naître en ce monde !
Dieu continue de naître dans tous ces hommes et toutes ces femmes qui à tous niveaux défendent la cause de la paix envers et contre tout. La voix des anges continue de se faire entendre : elle passe aujourd’hui par tant et tant de voix – celle du Pape en premier – qui nous invite avec force à croire que l’amour sera plus fort que la haine. Après les événements que nous avons connus, je vois que tant de bons bergers du vivre ensemble se sont levés. Ouvrant des espaces de dialogue pour qu’on sorte de la méconnaissance de l’autre, pour qu’on ne s’enferme pas dans les amalgames face aux différences culturelles et religieuses.
Le synode des évêques nous a rappelé que Dieu est celui qui veut habiter dans nos familles, toutes nos familles : celles qui se soutiennent dans l’amour et celles qui sont dans la difficulté d’aimer ; celles qui connaissent des naissances et des joies comme celles qui connaissent des séparations, des ruptures. Ce soir, il nous est dit à nouveau : « Ne craignez pas. Paix à ceux que Dieu aime ». Même dans la nuit, un chemin de salut peut s’ouvrir pour chacun.
Cette nuit-là, les anges sont venus chercher des bergers. Cette nuit-ci, descendant au plus intime de nous en cette eucharistie, le Seigneur vient nous chercher, nous ! Il nous fait acteurs de ce récit de Noël pour aujourd’hui. Il nous envoie comme acteurs de cette miséricorde, de cette bienveillance, de cette tendresse dont Noël nous parle de la part de Dieu. Telle est sa confiance, telle est son invitation : il fait de nous des bons bergers de son amour, des Marie et Joseph de sa tendresse, des anges de sa paix et de sa louange.
+ Jean-Luc Hudsyn
Méditation après la communionMéditation après la communion :
Voilà qu’avec ce pain venu du ciel, les anges viennent nous chercher nous aussi. Ils viennent nous envoyer pour devenir les acteurs de cette proximité, de cette bienveillance, de cette tendresse dont Noël nous parle de la part de ce Dieu qui s’est fait chair.
« Aide-nous Seigneur à ne pas t’abandonner, en ceux qui aujourd’hui sont sur les routes et dans l’errance ; à ne pas te laisser seul en ceux qui ne trouvent pas de place et se sentent rejetés ; à t’écouter en ceux qui sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants, ceux que ce monde désespèrent. »
Et gloire à Dieu pour tous ces hommes qui font sa joie : les artisans de paix, les associations qui ne laissent pas tomber les bras, les communautés et les paroisses qui se sont montrés hospitalières pour les réfugiés, les familles qui cherchent les chemins de l’amour mutuel, ceux et celles qui – au quotidien et de façon cachée – se font les anges gardiens de leurs frères et de leurs sœurs.
Dieu, ami des hommes, viens naître dans nos cœurs pour que nous devenions avec toi et en toi des bergers de ton amour, des Marie et Joseph de ta tendresse, des anges de ta paix et de ta louange.
Amen !
+ JL Hudsyn