
Mardi 20 septembre 2016
Pendant 3 jours, la liturgie nous fait aller de proverbe en proverbe… Un florilège de la sagesse populaire en Israël. Il y en a pour tout le monde : le roi et le peuple, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux… On y trouve aussi la trace de proverbe venus des peuples d’alentour. La visée c’est comment trouver le bonheur dans le vivre ensemble ; avec comme clé de ce bonheur une insistance : faire place à l’altérité, faire place à Dieu et à l’autre…
Appel toujours d’actualité dans le vivre ensemble de nos pays. Hospitalité pas facile, pas évidente ; qui va plutôt à contre-courant quand l’autre a un certain profil, à une certaine origine. Angela Merkel doit bien constater qu’électoralement cela a un prix !
Aujourd’hui le Pape François a tenu à rejoindre les leaders religieux de toutes origines réunis à Assise. Le thème de leur rencontre c’est « Soif de paix ». De cette paix nous avons tous soif. Le livre des proverbes nous invite à ne pas être seulement en soif de cette paix. Le premier proverbe de la brassée d’aujourd’hui nous demande d’être aussi de ceux qui étanchent cette soif de paix autour d’eux. Il dit en effet que le Seigneur veut disposer de notre cœur comme d’un canal d’irrigation. Cette eau vive qui jaillit du cœur du Christ – eau vive de son amour, de sa réconciliation, de son pardon -, nous sommes chargés ce matin d’aller la conduire « là où il veut ».
Nous sommes tous ici à un titre ou à un autre, personnellement ou dans le cadre d’un service, nous sommes envoyés vers d’autres. Nous avons entre autre à transmettre des savoirs, des savoir-faire, de savoir-être… Mais ce n’est pas le tout de notre envoi. Dans tout cela, avec tout cela, il faut que d’une manière ou d’une autre, ceux et celles vers qui nous allons – jeunes ou aînés, familles ou personnes isolées, malades ou bien portant – il nous est demandé aussi que chacun se sente irrigué, étanché par Celui qui nous envoie. Que nous soyons comme cette voie d’eau, ce chenal où ne passent pas que des choses à faire, à savoir, à améliorer, à amender… Mais que passe Quelqu’un. Cela ne sera possible que si dans ce travail d’irrigation, nous soignons le captage de cette eau ! Que nous puisions à la source qu’est la Parole de Dieu. Que nous désensablions ce qui doit l’être en nous. Que nous jouions avec vannes et écluses, ouvrant et fermant avec justesse celles qu’il faut pour que cette eau vive dont nous sommes porteurs ne se disperse pas et aille là où Dieu veut. Ce discernement, cet art de l’irrigation pastorale demandons-la au Seigneur pour nous et pour nos équipes. Pour que cette année durant nous soyons, comme dit Thérèse de Lisieux, les « aqueducs des eaux toujours vives » de sa miséricorde.
J’en viens à l’Evangile où Jésus nous dit que nous sommes pour lui comme une mère, comme des frères, comme des sœurs, si nous écoutons la Parole de Dieu et si nous la mettons en pratique…
Le texte de St Luc, littéralement, parlent de ceux qui « font la Parole ». Ecouter la Parole et la faire… En grec c’est très évocateur : le mot pour dire cela c’est le même mot que le mot « poète »… C’est un peu comme si Jésus nous disait : une fois que vous l’aurez écoutée, soyez les poètes de ma Parole !!
Une pratique pastorale qui serait ainsi de l’ordre du poème, de la poétique, ne pourrait pas n’être simplement qu’agitation, ou activisme. Le poète habite la vie de l’intérieur. Avec suffisamment de silence et d’écoute que pour y entendre des résonnances cachées. C’est la façon d’être de Jésus : tout lui fait penser à son Père : le ciel qui rougeoie, un joueur de flûte, une femme qui désespère de retrouver sa perle…
Autre trait : un poète ne vit pas sa vocation par devoir, comme une loi qu’il subirait. C’est un certain travail : il y a des rimes ou des assonances à chercher ; il faut couper – sous-écrire. Et puis être poète peut être une souffrance : ce sont aussi les blessures, et les douleurs du monde qui font jaillir de grands poèmes. Mais il écrit parce qu’il ne peut faire autrement… parce qu’une Parole l’habite qui cherche à se dire à travers lui ; il crée par passion ! Sinon il ne serait qu’un rimailleur… et nous des pasto-râleurs !
Nous aurons la chance durant cette année – et de différentes manières – de nous laisser habiter, travailler, convertir même par un texte-clé : l’Exhortation Amoris laetitia. C’est d’ailleurs, dans le style et sur le fond, comme un grand poème d’amour. « La joie d’aimer »… ce titre, c’est déjà tout un poème ! A son inspiration, soyons des pasteurs-poètes, des pasteurs-aqueducs.
Irrigués par le Christ soyons des pasteurs féconds, plus accoucheurs qu’ingénieurs.
+ Jean-Luc Hudsyn