Mets-toi en marche ! (5 mai)
Aux prêtres, diacres,
animatrices et animateurs pastoraux du Brabant wallon,
aux chrétiens et communautés du Vicariat,
Sœurs et frères,
Nous amorçons une nouvelle étape avec ce déconfinement qu’on nous promet cependant progressif, et cela se comprend très bien. Néanmoins, le confinement… demeure, et c’est cela qui pèse à beaucoup. On l’entend autour de soi – en soi aussi, sans doute : le temps se fait long ! Des prêtres me disent combien l’éloignement avec leurs paroissiens va tellement à l’encontre de ce qui est au cœur de leur vocation de prêtres diocésains… D’autres, quand je les écoute, me semblent être tentés par ce que la tradition spirituelle appelle l’acédie : cette sorte de « brouillard qui enveloppe l’âme et l’empêche de vivre » (1) : une sorte de spleen intérieur qu’on peut comprendre, mais qui finit par paralyser l’action, nous installe dans une certaine morosité, des sautes d’humeur, une perte sinon de sens (et encore), en tout cas d’enthousiasme.
Je vois cependant que beaucoup font preuve de persévérance ingénieuse dans l’annonce de la Parole, dans l’encouragement mutuel, dans le désir de rejoindre tous ceux qui ont soif de célébrer le Seigneur en communion avec leur communauté, avec l’Eglise universelle grâce aux divers supports accessibles aujourd’hui. Avec parfois de très belles réalisations où se mêlent beauté symbolique, appel aux charismes d’une diversité d’intervenants, partage sur l’Evangile y compris adapté aux enfants… Mais peut-être pourrions-nous faire un pas de plus dans notre préparation à la Pentecôte : une façon d’ouvrir déjà portes et fenêtres au Souffle de l’Esprit ?
1. Invitation à une « Opération Mets-toi en marche »
Je voudrais donc faire à tous une proposition pastorale face à une attente qu’il me semble discerner en ce 49ème jour de confinement strict… Beaucoup autour de nous ont vraiment soif de partage, de présence, d’amitié. Y compris chacun de nous. Dans les règles de confinement actuelles, tout n’est évidemment ni possible ni souhaitable. Mais il y a aussi des choses qui sont possibles et permises !
Je voudrais donc vous inviter – prêtres, diacres, animatrices et animateurs pastoraux – à ceci : donner la possibilité à ceux qui le désirent d’avoir avec vous des moments de dialogue plus personnels. L’évangile d’avant-hier nous parlait de ce bon pasteur qui appelait chacune de ses brebis par leur nom. Les messages collectifs, qui s’adressent à toute la communauté par internet ou par Facebook, c’est très important : ils contribuent à tisser le nous communautaire. Les appels téléphoniques permettent, eux, de se parler de façon déjà plus personnelle ; les mails aussi. Mais le téléphone est composé de deux mots grecs qui disent bien les limites de ce qu’on y expérimente : on converse mais à distance… Aussi, je voudrais vous inviter à plus de présentiel comme on aime dire aujourd’hui ! Dans le cadre donc de ce qui nous est permis de faire, je vous propose d’inviter ceux qui le désirent à avoir avec vous un temps d’échange plus personnalisé. Cela ne doit pas être long. Un quart d’heure, c’est déjà bien. En gardant strictement les justes distances, avec un masque, pas dans un lieu confiné. Et de deux manières : soit dans l’église, soit dans une salle paroissiale. Ou à l’extérieur – le soleil revient, nous dit-on ! – devant la cure, si cela se met ; ou alors en allant devant la maison de ceux qui le souhaitent. Avoir un échange sur le pas de la porte, devant les fenêtres, sans entrer… et masqués bien sûr. On peut proposer de s’inscrire, fixer des heures de la journée où vous êtes disponibles pour de tels rendez-vous moins virtuels. Et pouvoir ainsi, ensemble s’écouter sous un mode plus personnel, échanger des nouvelles, partager les joies, les peines (il y en a), avoir ensemble un moment de prière, se confesser, rendre grâce, intercéder, accueillir la bénédiction du Seigneur… Le faire à deux, à trois, avec la famille. Faire ce que des pasteurs peuvent légitimement proposer (et par pasteurs, j’entends ici prêtres, diacres et ces laïcs envoyés en pastorale que sont les animatrices et animateurs pastoraux).
Un jour, le diacre Philippe a entendu cet appel : « Mets-toi en marche ! » (Ac 8,26). Va sur la route qui mène de Jérusalem à Gaza, va à la rencontre de cet homme qui n’attend qu’une chose : qu’on prenne un temps de dialogue avec lui. Beaucoup d’entre vous qui se promènent à pied dans leur quartier ou leur village, me disent avoir beaucoup de moments d’échange impromptus, en ces jours où les gens se disent d’ailleurs volontiers bonjour ! D’autres sont présents dans l’église à certaines heures d’ouverture et reçoivent bien des confidences. Dans une Unité pastorale, lors du dimanche des rameaux, prêtres et diacres se sont arrêtés devant la porte de ceux qui le souhaitaient pour prier un moment devant chez eux et avec eux. Dans cette commune, 80 maisonnées leur ont demandé de se mettre en marche jusqu’à chez eux ! J’appellerais donc ça l’Opération « Mets-toi en marche… ». Je ne vous propose pas ce que je ne ferais pas… Les cures accessibles à pied depuis chez moi (et d’autres…) ont vu ces étranges visites épiscopales où on se parlait prêtres et évêque ensemble devant la cure chacun à un coin du jardin !
D’un coin à l’autre de la (très longue) salle de réunion de la maison épiscopale, des choses de la vie ou de la foi n’ont pas manquer non plus d’être partagées…
Dans l’attente de Pentecôte, offrons, vivons de petits temps de cénacle inattendus, entre écoute et partage, entre prière et silence, pour « laisser respirer ce que le Souffle seul vient délivrer »(2).
2. Les nominations pour le 1er septembre 2020
Confinement ou pas, il fallait poursuivre la préparation des nominations pour la rentrée pastorale prochaine. Merci infiniment à tous qui, dans ces circonstances spéciales, ont accepté de nouvelles responsabilités avec confiance, dans un grand désir de coopération et beaucoup de disponibilité.
Vous trouverez ces nominations en cliquant sur ce lien.
3. Qu’en est-il de la possibilité de la reprise d’eucharisties célébrées publiquement ?
Sur les médias sociaux principalement arrivent de nombreux messages pour demander la reprise des eucharisties, y compris sur le mode de pétitions. De façon impatiemment patientes pour les uns ; parfois avec plus ou moins de mauvaise humeur ; ou même des accents vaguement complotistes, comme si certains étaient bien décidés à nous faire languir pour le plaisir ou comme si… les évêques avaient la tête ailleurs ! Je voudrais simplement rappeler que le pape lui-même, à propos du déconfinement qui se met en place, a demandé expressément pour tous la grâce de la prudence et de l’obéissance aux dispositions, afin que la pandémie ne revienne pas (3).
En ce qui concerne les évêques belges, deux d’entre nous participent aux réunions traitant de cette question. Y sont présents des représentants du gouvernement et les responsables des autres cultes. On n’y chôme pas : rien que cette semaine deux réunions de travail se font autour de cette reprise des cultes. C’est en tout cas notre position : nous voulons travailler tous ensemble, en solidarité et en dialogue à la fois avec les instances civiles ainsi qu’avec l’ensemble des Eglises chrétiennes et des religions reconnues. Nous sommes bien à l’aise avec la manière dont ce dialogue se passe et dont se profile cette reprise. De bonnes nouvelles pourraient venir bientôt. Mais chacun comprendra qu’elles dépendent, elles aussi, de la manière dont tous nous respecterons de façon responsable les règles indispensables pour contenir cette pandémie.
Prions les uns pour les autres, pour tous ceux qui vivent avec inquiétude ces temps qu’on aurait trouvé improbables il y a peu. Alors que Pentecôte se profile à l’horizon, avec Marie et les disciples de Jésus en prière, demandons à l’Esprit-Saint de déposer en nos cœurs ce qu’il veut opérer en nous et avec nous : lui, son désir n’est jamais de faire en sorte que l’après soit comme avant ! Son désir, en toute chose, c’est de nous ouvrir à des moissons nouvelles.
+ Jean-Luc Hudsyn
(1) Pape François, Homélie matinale à Ste-Marthe, 24 mars 2020 – Messes retransmises chaque matin par KTO et Rai Uno à 7h. Homélies pour lève-tôt… mais toujours d’une rare pertinence spirituelle et pastorale !
(2) Francine Carillo, Le Plus-que-vivant, Labor et fides, 2009, pp. 160-161
(3) Pape François, ouverture de la messe à Ste-Marthe, 28 avril 2020