Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Le temps du carême : repères liturgiques

 

Voici le grand et beau temps du carême…

 Mais au fond, qu’est-ce que le carême ? Et a-t-il une particularité quand il se vit au temps de l’année liturgique C, comme c’est le cas cette année ?

Deux questions auxquelles cet article de Philippe Robert (auteur, compositeur et spécialiste de la liturgie) va donner une réponse.

 

Le temps du  carême

 

Si nous devions définir le temps du carême, quelle serait la réponse ? Un temps de jeûne, de pénitence, de privation, un temps de préparation à la fête de Pâques ? Sans doute tout cela à la fois, mais n’est-il pas prioritairement le temps de préparation au baptême pour tous les catéchumènes qui le désirent et qui le recevront au cours de la nuit pascale ? C’est aussi l’occasion pour tous les fidèles de la communauté qui les accompagnent, sinon l’Église tout entière, de vivre cette conversion, cette métanoïa, qui également les prépare à vivre plus intensément le Mystère pascal, sommet et source de la foi chrétienne.

Dieu tout-puissant, toi qui nous invites chaque année à vivre le carême en vérité,

donne-nous de progresser dans l’intelligence du mystère du Christ.

(Oraison d’ouverture du 1er dimanche du carême)

Un carême orienté vers Pâques   

La Veillée pascale est au cœur de l’année liturgique. C’est au cours de cette nuit très sainte que ceux qui se sont préparés au baptême le recevront. Si cette Fête des fêtes est suivie de cinquante jours de réjouissance, c’est-à-dire jusqu’à la Pentecôte, elle est aussi précédée par quarante jours de préparation qui disposent les esprits et les cœurs à vivre ce mystère de Pâques :

Car chaque année, tu accordes à tes fidèles de se préparer aux fêtes pascales dans la joie d’un coeur purifié.

(1re Préface du carême)

De même, la première bénédiction des Cendres met l’accent sur cette perspective pascale :

Qu’ils [les futurs baptisés] parviennent avec un esprit purifié à la célébration du mystère pascal de ton Fils.

(Bénédiction des Cendres)

La fin de la Préface du 1er dimanche du carême nous oriente aussi dans ce sens :

Ainsi pourrons-nous célébrer dignement le mystère pascal et enfin passer à la Pâque éternelle.

L’oraison d’ouverture du quatrième dimanche, appelé aussi le dimanche du Laetare, réitérera cette demande d’accorder au peuple chrétien :

de se hâter avec un amour généreux et une foi ardente au-devant des fêtes pascales qui approchent.

Le premier dimanche : En route vers Pâques

Le premier dimanche du carême  – le dimanche de la Quadragésime – est celui de l’appel décisif des candidats, c’est-à-dire ceux qui « ont demandé à être initiés par les sacrements de l’Église que nous célébrerons lors des prochaines fêtes pascales » (Rituel de l’Initiation chrétienne des adultes (RIA), n° 140).

Pour l’appel à rejoindre ton peuple, Pour le peuple où Jésus nous accueille, Bénis sois-tu Seigneur !

(G 14-58-1)

 

Les dimanches des scrutins et des grands évangiles johanniques

Depuis le Concile Vatican II, l’Église célèbre trois carêmes en fonction des années liturgiques A, B et C. Celui de l’année A est directement lié à cette préparation des candidats au baptême au point que si l’on a des catéchumènes au cours des années B et C, on utilise les lectures prévues au Lectionnaire pour l’année A.

Après le second dimanche du carême, au cours duquel, chaque année, on lit le récit de la Transfiguration, préfiguration de la gloire de la résurrection, viennent trois dimanches au cours desquels sont pratiqués « les scrutins », c’est-à-dire des prières d’exorcisme pour « faire apparaître dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais, pour le guérir, et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir » (RIA n° 148). Sont lus également les évangiles johanniques qui préparent aux sacrements de l’Initiation chrétienne.

Le troisième dimanche est celui de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine (Jn 4, 5-42). Les catéchumènes sont « comme cette femme de Samarie qui voulait puiser de l’eau vive » (RIA n° 158). C’est pourquoi le prêtre demande à l’Esprit Saint de convertir leur cœur comme le Seigneur Jésus, « par un admirable dessein de ta [de Dieu] miséricorde, a converti le cœur de la Samaritaine. » (RIA n° 158) Ainsi, « quand il [Jésus] demandait à la Samaritaine de lui donner à boire, il lui faisait déjà le don de la foi ; de cette foi, il manifesta une telle soif qu’il fit naître en elle le feu de l’amour de Dieu » (Préface du 3e dimanche du carême). Toute l’assemblée peut alors chanter : « Donne-moi toujours de cette eau, donne-moi l’eau vive du rocher ! » (G 14-59-1, Si tu savais le don de Dieu).

Au cours du quatrième dimanche on lit l’évangile de l’aveugle-né (Jn 9, 1-41). Parce que Dieu lui a donné de croire en son Fils « et d’entrer par cette foi dans le royaume de sa lumière » (RIA n° 165), le prêtre demande que les catéchumènes « soient libérés de toute erreur qui les enferme et les aveugle » et de leur donner « la grâce de s’enraciner fermement dans la vérité, pour devenir fils de lumière et le demeurer toujours » (RIA n° 165). Ainsi toute l’assemblée rend gloire à Dieu parce que « par le mystère de son Incarnation, il a guidé vers la clarté de la foi l’humanité qui marchait dans les ténèbres » (Préface du 4e dimanche du carême). Elle s’associe à l’aveugle-né pour chanter avec lui : « Éclaire ma nuit : Que je vois les splendeurs de ta gloire ! Éclaire ma nuit : que je vive en enfant de lumière ! » (G 14-61-1, Aveugle de cœur)

Le cinquième dimanche est celui de la résurrection de Lazare (Jn 11, 1-45). Nous le savons, notre « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants » (Lc 20-38), c’est pourquoi il a « envoyé son Fils comme messager de la vie pour libérer ses enfants du règne de la mort et les conduire à la résurrection » (RIA n° 172). Le prêtre le prie de bien vouloir « arracher les catéchumènes au pouvoir mortel de l’esprit du mal, afin qu’ils reçoivent la vie nouvelle du Christ ressuscité et en soient les témoins » (RIA n° 172). Par l’intermédiaire du prêtre qui prie Dieu en son nom, elle reconnaît que le Christ qui a relevé Lazare du tombeau , « dans sa compassion pour le genre humain, [il] nous conduit par les sacrements de Pâques jusqu’à la vie nouvelle » (Préface du  5e dimanche du carême). Fortifiée dans sa foi l’assemblée chante : « Si nous mourons avec toi, Seigneur Jésus, avec toi nous entrerons dans la vie. » (G 14-62-1, Seul Maître de la vie)

On pourrait croire que ce parcours du carême A tel qu’il est présenté ici est spécifique d’un carême vécu par une communauté qui présente des catéchumènes au baptême au cours de la nuit pascale. Mais ne sommes-nous pas tous invités, en tant que membres de l’Église, à entourer de près ou de loin les futurs baptisés et à prier pour eux ? Le cheminement de ce carême baptismal est aussi pour nous une manière d’approfondir le sens de notre propre baptême, même, et d’autant plus, si nous avons reçu ce sacrement lorsque nous étions petit enfant.

 

Le carême de l’année C : un temps de conversion

Les troisième, quatrième et cinquième dimanches de l’année C sont axés sur la conversion et la réconciliation. Celui qui se convertit, qui se « tourne vers » le Seigneur, renaît à la vie. Le Missel étant le même pour les trois années, A, B et C, ce sont les lectures qui donneront cette orientation au carême C. Dans l’évangile du troisième dimanche (Lc 13, 1-9), le Christ insiste sur l’urgence de la conversion : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 3 et 5). Nous sommes tous pécheurs et tous appelés à nous repentir avant la fin des temps. Mais il nous montre aussi un Dieu patient, capable d’attendre la conversion : « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir » (Lc 13, 9). Oui, notre Dieu est un Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour (Ps 103).

Le quatrième dimanche nous propose la lecture de la parabole du fils prodigue (Lc 15, 1… 32), qui est un récit de conversion : « Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi » (Lc 15, 18 – verset de l’acclamation à l’Évangile). Ici encore le Seigneur est un Dieu de bonté, et le psaume 33 nous invite à le reconnaître : « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! » La seconde lecture (2 Co 5, 17-21) nous rappelle que c’est dans le Christ que nous sommes réconciliés et que nous devenons une créature nouvelle : « Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co, 5, 17-18). Et maintenant c’est à notre tour d’être des témoins de cette réconciliation avec Dieu : « Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co, 5, 20).

Une nouvelle invitation à changer de vie, à nous « con-vertir » nous est proposée par la rencontre de Jésus avec la femme adultère (Jn 8, 1-11) que nous relate l’évangile du cinquième dimanche de carême. « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11). Dieu est miséricordieux à condition que le pécheur se repente et devienne un homme nouveau capable désormais de louer le Seigneur : « Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous » (Ps 125). Il nous reste à poursuivre notre course pour atteindre la perfection en Christ (Ph. 3, 8-14). Il s’agit donc pour nous désormais « de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblables à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts » (Ph 3, 10-11).

 

Le carême : un temps de jeûne, de pénitence et de charité

Dès l’entrée en carême, l’Église nous invite à jeûner :

Accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement par le jeûne l’entraînement au combat spirituel : que nos privations nous rendent plus forts pour lutter contre l’esprit du mal.

(Oraison d’ouverture du Mercredi des Cendres)

Elle nous présente aussi ce temps du carême comme un temps de pénitence  :

Que ta bienveillance nous accompagne, Seigneur, durant ce temps de pénitence qui vient de commencer,

afin que la discipline imposée à notre corps soit aussi pratiquée d’un cœur sincère.

(Collecte du Vendredi après les Cendres)

 

Cela demande une maîtrise du corps ainsi que le souligne notamment l’oraison d’ouverture du mercredi de la première semaine, « tandis que nous maîtrisons notre corps par des privations », ou celle du vendredi de cette même semaine qui rappelle « la pénitence imposée chaque année à notre corps ». Il s’agit donc de « discipliner nos corps » afin d’accomplir « de tout cœur les préceptes de ton [du Seigneur] amour » (oraison d’ouverture du lundi de la 2e semaine).

Ce jeûne et ces privations n’auraient aucun sens s’ils étaient accomplis pour eux-mêmes. Ils sont exercés pour nous conduire à la charité. Tel fut le comportement de Jésus après ses quarante jours de jeûne et de prière au désert avant sa vie publique ainsi que nous le rappelle l’oraison d’ouverture du troisième dimanche : « tu [Seigneur] nous as montré comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage ». Ainsi nous sommes appelés à « une plus grande générosité pour nous préparer à célébrer le mystère pascal » (oraison d’ouverture du jeudi de la 3e semaine). Cet appel à la charité nous sera encore rappelé dans l’oraison d’ouverture du quatrième dimanche qui demande au Seigneur d’accorder au peuple chrétien « de se hâter avec un amour généreux et une foi ardente » et dans celle du cinquième dimanche où cette fois, il s’agit de « marcher avec joie dans la charité de ton Fils [de Dieu] qui a aimé le monde jusqu’à donner sa vie pour lui ».

Le lien entre ces trois activités, celle du jeûne, de la prière et de la charité, est bien mis en évidence par les Pères de l’Église et notamment par saint Augustin :

Pour que nos prières puissent prendre plus facilement leur essor et parvenir jusqu’à Dieu,

il faut leur donner les deux rites de l’aumône et du jeûne.

(Saint Augustin, Sermon 206 pour le 1er ou 2e dimanche du carême)

 

Désormais en route vers la Pâque, nous pouvons chanter :

Le temps du jeûne t’offrira

La part obscure de nous-mêmes.

Tes mains captives sur la croix

Dénouent les liens de nos ténèbres

 

Ne laisse pas, au long du jour,

Nos vies manquer à la lumière;

Recharge-les du poids d’amour

Qui les entraîne vers le Père.

(Ami des hommes, Jésus Christ – CFC – Sr Marie-Pierre)

Philippe Robert, auteur, compositeur et spécialiste de la liturgie

 

Tous nos remerciements à Philippe Robert et la rédaction de Feu Nouveau de nous avoir permis de reproduire cet article.

Le service de la Liturgie


Image d’entête : Pixabay

Illustrations dans le texte :

  • Nicolas Colombel (1644-1717) – Le Christ qui guérit l’aveugle
  • Pompeo Batoni (1708-1787) – Le Retour du Fils Prodigue