Homélie de Mgr Hudsyn
Le pharisien dont nous parle cet Evangile ne sait plus où il en est ! L’attitude de Jésus vis-à-vis de cette femme qui a interrompu son dîner le laisse complètement désorienté. Vraiment, ce Jésus est décidément inclassable ! Pourquoi ce pharisien est-il si perdu ?!
C’est un pharisien ! Les pharisiens estimaient que l’important était d’être en ordre avec les commandements. Et que c’est ainsi qu’on pouvait mériter l’amour de Dieu. Par conséquent, ils croyaient que Dieu était comme ça : Dieu nous donne son amour si on s’est montré vertueux. Dieu nous donne son amour si on est quelqu’un qui est en ordre. Si on ne l’est pas, alors il faut… d’abord se mettre en ordre : offrir des sacrifices, faire des offrandes pour mériter d’obtenir son pardon. A nous de faire le premier pas. Pour les pharisiens c’est comme cela qu’ils voient la religion : l’amour de Dieu nous est donné si nous le méritons. Et nous le méritons si on est « en ordre » !
Et qu’est-ce qu’il voit ? Il voit que cette femme dite « de mauvaise vie », Jésus l’accueille comme cela, sans mouvement de recul alors que, pour la Loi, c’est une femme dite impure, qu’il faut tenir à distance !
En cette année de Jubilé, le pape nous demande de méditer en profondeur sur la miséricorde. La miséricorde est donc ce mot composé de deux mots latin : « miséri » = les pauvres, ceux qui sont faibles et fragiles. Et « corde » : le cœur. La miséricorde de Dieu c’est cette bonne nouvelle : notre Dieu a un cœur, et un cœur sensible à notre pauvreté, notre faiblesse, notre fragilité.
Ici, nous voyons combien Jésus réagit comme Dieu son Père : il accueille avec cœur cette femme pleine de fragilité, il l’accueille dans sa faiblesse sans reculer, sans se protéger, sans mettre entre elle et lui une distance respectable.
Il y a une deuxième choses qu’on peut voir. C’est que ce pharisien si préoccupait d’observer la loi, si désireux d’être surtout en règle, le fait sans y mettre vraiment du cœur. Il observe la loi et les règles d’accueil… mais sans chaleur … C’est ce que lui fait remarquer Jésus : tu m’as accueilli, c’est vrai ! Mais sans beaucoup de cœur, avec le service minimum ! Et avec cette tendance terrible qu’on les gens qui font tout pour être en règle : ils ont le jugement facile, ils regardent facilement de haut ceux qui n’en font pas autant, avec cette supériorité qui fait que tout de suite ce pharisien a méprisé cette femme : « une pécheresse » ! Et déjà il condamne Jésus parce que Jésus lui pardonne !
Or cette femme, c’est vrai qu’elle a une vie pas très en ordre, pas très ajustée à ce qu’elle est appelée à vivre, mais elle le sait… Elle ne joue pas à celle qui serait en ordre – et d’ailleurs qui l’est vraiment ???? – elle sait qu’elle est fragile mais si elle va vers Jésus avec tant d’amour et de reconnaissance c’est justement parce qu’elle sait qu’il ne la méprisera pas, qu’il ne va pas l’enfermer seulement dans ses actes, dans son passé et qu’avec lui, elle a un avenir possible sans être étiquetée une fois pour toutes.
C’est ce que Jésus veut nous faire comprendre ce matin : ce qui nous permet de changer de vie, c’est de pouvoir expérimenter qu’on est aimé et pardonné malgré nos faiblesses et nos contradictions. Jésus a cette phrase très importante : « Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour ». Celui qui est accueillie et beaucoup aimé… celui-là peut se mettre à aimer beaucoup. Cet accueil bienveillant, sans mépris c’est ce qui nous permet de repartir dans la vie. Ce qui nourrit en nous l’amour, c’est d’avoir été beaucoup aimé et beaucoup pardonné.
C’est ce qui a converti S. Paul. Lui le persécuteur des chrétiens, l’ennemi du Christ, il l’a rencontré sur sa route, et il a découvert un Jésus qui l’a aimé, qui malgré tout lui a fait confiance au point de lui demander de devenir son apôtre. C’est cette confiance qu’il n’avait pas mérité qui l’a complètement renversé et convertit et qui lui fait dire avec une immense gratitude : « le Fils de Dieu m’a aimé » !!! Et par grâce, gratuitement.
Et c’est ce que David va comprendre. Alors qu’il a tué son rival amoureux, Dieu commence par lui dire par le prophète Nathan : « Je te resterai fidèle, je ne renierai pas mon amour pour toi… – mais… reconnais que tu m’as méprisé ». Dieu lui dit d’abord son amour et sa fidélité, et c’est devant cet amour qui fait toujours le premier pas que David va pouvoir dire sans se sentir humilié… : « C’est vrai, j’ai péché contre le Seigneur ».
Nous sommes invités à faire comme Dieu : à faire le premier pas. Manifester cet amour bienveillant de Dieu qui ouvre ses bras à tous : à la brebis perdue, au fils prodigue, à cet homme abandonné et recueilli par le bons samaritain.
Et c’est un des sens profonds du pourquoi des Unités pastorales : se mettre ensemble pour mieux remplir ces missions que Dieu vous demande : être les signes vivants de ce Dieu qui ouvre ses bras à tous ! Manifester aux enfants de la catéchèse et à leurs parents combien grand est l’amour de notre Dieu. Faire grandir les jeunes dans cette découverte d’un Dieu qui accompagne nos chemins parfois sinueux. Travailler à la communication pour mieux être en lien et en communion entre paroisses, entre groupes. Soigner la vie spirituelle et vivre des temps forts de célébration pour nous ouvrir à ce Dieu si miséricordieux et devenir comme lui. Et enfin collaborer dans le domaine de la solidarité : ce lieu par excellence où nous pouvons exprimer cette proximité aimante de Dieu pour ceux qui se sentent seuls, ceux qui sont malades ou en souffrance.
C’est ça le but : collaborer, s’engager ensemble à donner au plus grand nombre le goût de ce Dieu qui toujours fait les premiers pas, qui toujours se donne et pardonne.
+ Jean-Luc Hudsyn
11ème dimanche ordinaire – année C – Rebecq Envoi UP – 16/06/12