
Mgr Jean-Luc Hudsyn célébrait l’office du Jeudi saint en l’église Saint-Jean-Baptiste de Wavre à 20h, avec les prêtres de la paroisse.
Retrouvez ici l’homélie de Mgr Hudsyn en pdf.
Sœurs et frères,En évoquant la Pâque juive, la première lecture nous rappelle que la dernière Cène s’enracine dans la liturgie juive de Pâques. Chaque année, le peuple juif célèbre Pâque lors de la pleine lune de printemps. Cette pleine lune, elle est toujours là durant la Semaine sainte. N’est-ce pas touchant de se dire qu’elle était là, éclairant le chemin qui va du Cénacle à Gethsémani ; qu’elle éclairait le jardin des Oliviers quand Jésus entrait dans sa passion.
Les Pères de l’Eglise relevaient déjà ce que pouvait évoquer la lune : elle nous donne de l’espérance puisque, dans la nuit, la lune reflète la lumière du soleil. Elle est signe que le soleil est là même s’il nous est caché, il est là alors même que nous sommes dans la nuit. Et disaient-ils, notre mission, c’est d’en faire autant : dans la nuit des hommes, dans la nuit du monde, être comme ces reflets de la lumière du Christ, être des signes parlants, agissants de cette lumière qui ne s’éteint jamais, et qui revient toujours. Pensons-y ce soir en regardant par la fenêtre ou le balcon cette pleine lune de Pâques…
Jésus est dans la nuit. Judas est en train de le trahir. Les foules vont vite l’abandonner. Ces disciples vont laisser Jésus seul… confiné dans sa tristesse, dans l’épreuve de sa passion…
Alors, il réunit ses disciples comme il nous réunit ce soir. Dans ces circonstances étranges que nous vivons, il s’invite dans nos maisons. Pourquoi ? Pour que nous fassions mémoire de ce qui est le plus essentiel. Cet essentiel qu’il a voulu nous révéler au cœur de sa nuit et qu’il vient nous révéler au cœur de ce temps éprouvant pour nous, au cœur des manques que nous vivons, au cœur de ces moments difficiles pour beaucoup de gens… Il vient nous dire ce qu’il a fait de sa propre vie à ce moment d’obscurité : il a pris du pain, il l’a rompu, il l’a donné en partage, en disant c’est tout moi, c’est mon corps donné par amour, le seul amour qui compte, celui qui va jusqu’au bout. Faites cela en mémoire de moi, buvez à ma coupe, à cette alliance avec moi, à cette amitié avec Dieu que je suis venu nouer avec vous, à la vie, à la mort !
Cet essentiel, dans la nuit de nos confinements, il nous en montre le chemin. Il s’est livré. Il s’est livré à Dieu son Père, dans la confiance. Il s’est abandonné à ce que Dieu est : un amour qui se donne jusqu’au bout. C’est pourquoi, il se livre aussi à ses disciples : il leur a livré sa bonté, sa tendresse, il a pris soin d’eux, il leur a lavé les pieds, il s’est fait serviteur de chacun d’eux… Voilà ce qui apporte la lumière de Dieu dans notre nuit. Voilà ce qui permet de traverser l’épreuve. Non pas d’implorer Dieu pour qu’il fasse les choses à notre place, mais de faire alliance avec le Christ, de se faire les alliés de Dieu et, en communion avec lui, nous aussi nous aimer les uns les autres, prendre soin, soigner, servir, livrer aux autres le meilleur de nous-mêmes. Et puis aussi commencer à réfléchir à ce qu’il faudra changer demain pour plus de solidarité, comme plus grand souci des plus fragiles, comme priorités sociales…
Ce soir nous faisons mémoire de ce grand désir du Seigneur, de ce grand secret de son cœur qu’il nous livre à chaque : que par lui, avec lui et en lui, « nous livrions nos vies en mémoire de lui » – pour rendre ce monde plus humain, plus lumineux, plus divin.