
Sœurs et frères, Depuis cette nuit, d’église en église, ce chant des anges parcourt peu à peu la terre entière : « Gloire à Dieu ! Paix sur la terre ! » car le Verbe s’est fait chair ! Le prophète Isaïe vient de le dire : celui qui vient habiter parmi nous, est le messager d’une bonne nouvelle : il est « celui qui annonce la paix ».
La paix !… Nous terminons une année durant laquelle, au Proche Orient, en Afrique, en Afghanistan, en Ukraine, nous avons été presque comme saturés de violence. La paix !?… Tout semble nous dire que nous en sommes tellement loin !
Mais ne nous trompons pas : à Bethléem, ce message des anges a retenti à un moment où la paix était tout, sauf évidente. Un empereur romain qui recense les territoires occupés par ses armées pour faire l’inventaire de sa puissance. Hérode qui fomente déjà un massacre d’innocents. Et ce Jésus qui vient… « les siens ne l’ont pas reçu ». Marie et Joseph ont trouvé porte close à Bethléem. Leur enfant nait comme un sans-abri, dans la pauvreté d’une étable. Et ce n’est pas par hasard s’il nous est dit que ce premier Noël se passe dans la nuit, au creux des ténèbres…
Cette paix de Dieu qui se fait proche en Jésus-Christ, n’est donc pas une sorte de féérie facile, qui nierait la réalité, les tensions familiales, les conflits sociaux, les épreuves qui nous traversent, nous qui sommes ici ce matin, et vous, qui vous êtes joints à nous par les ondes.
Mais justement : c’est au milieu de tout cet entremêlement d’ombre et de lumière dont sont faites nos vies, que survient ce Messager de paix. Cette paix de Dieu, il vient la donner à tous. Il vient donc la donner aussi à ceux qui sont dans l’épreuve ; à ceux pour qui ces jours de fête viennent peut-être réveiller une souffrance, un deuil, une solitude. Sa lumière ne contourne pas notre réalité mais elle vient la traverser. C’est que dit S. Jean : « les ténèbres n’ont pas arrêté » cette paix.
Pourquoi ? Parce que cette paix, pour nous chrétiens, ce n’est pas d’abord une valeur morale un peu abstraite, ni un bon sentiment, ce n’est pas le fruit d’une pure question de volonté. Cette paix, pour notre foi, c’est Quelqu’un ! C’est la personne du Christ qui a vécu notre condition d’homme en toute chose et qui a traversé le mal et la mort. Ressuscité, vivant à jamais, il vient au milieu de nous. C’est lui la source de cette paix. Lui que la vie et les hommes n’ont pas épargné – et qui en a payé le prix – ce Jésus n’a cessé de nous parler de cette paix, de sa paix : « Je vous donne ma paix » – Et il nous la donne en se donnant lui-même. Et on la reçoit de lui, en lui ouvrant nos cœurs, nos maisons, nos lieux de vie.
Dans les contradictions, les divisions, les tensions que tous nous vivons, il vient nous dire que nous ne sommes ni seuls ni abandonnés. En lui, un amour indicible, une grande tendresse nous entourent chacun, chacune.
Plus encore : il vient avec sa puissance de paix pour renaître en nous. Il y a en chacun de nous, une crèche mystérieuse où Dieu repose secrètement, même s’il fait nuit dans notre cœur, même s’il y a des zones d’ombre dans notre vie. Il vient, avec sa bonté et son pardon. Cette naissance inattendue nous révèle que nos vies ne sont pas une impasse : avec lui une re-naissance est toujours possible, un nouveau départ, un nouveau chemin…
Il vient pacifier notre cœur en y mettant de l’espérance : l’histoire de l’humanité ne se résume pas aux horreurs dont elle est capable. Il vient nous faire cette promesse : l’amour sera le plus fort, la haine, la guerre n’auront pas le dernier mot, ni non plus nos propres violences et nos échecs.
Et à qui sait voir, sa lumière brille déjà dans les ténèbres : elle brille à travers ces gestes de paix que nous faisons dans nos familles à Noël pour que chacun se sente aimé ; il y a toutes ces attentions fraternelles pour ceux qui nous entourent ; nos solidarités avec les plus pauvres. Il y a tous ceux qui rendent témoignage à la Lumière en faisant œuvre de paix avec les armes de la paix : le respect de l’autre ; l’écoute des différences ; le dialogue ; la non-violence ; la négociation sociale et politique ; le courage de la réconciliation !
Devant ce défi de la paix, nous nous sentons souvent démunis. Car la paix demande un dépouillement de nous-même, un amour qui nous dépassent.
Celui qui vient à Noël, est né dans une mangeoire. Il vient se donner en nourriture. Le courage de construire cette paix, nous allons le demander à cet enfant désarmé. Il nous révèle ce qui est la clé essentielle, le moteur fondamental de la paix : il nous révèle que, tous, nous sommes ses frères et ses sœurs ; tous, enfants de Dieu !
Voici qu’il nous tend les bras : il cherche des crèches pour naître aujourd’hui. Il vient d’auprès de Dieu chercher des artisans de paix. Heureux sommes-nous si nous lui ouvrons notre vie.
+ Jean-Luc Hudsyn