Église catholique en Brabant wallon

Archidiocèse de Malines-Bruxelles (Belgique)

Église catholique en Brabant wallon

 

Homélie de Mgr Hudsyn lors de la messe chrismale 2011

Frères et sœurs,

Nous voici donc rassemblés dans une église en plein chantier avec un peu partout des tranchées ouvertes. Réjouissons-nous c’est pour installer un chauffage digne de ce nom : un chauffage par le sol ! J’ai lu une publicité qui dit que le chauffage par le sol c’est le meilleur moyen d’assurer une chaleur qui soit « à hauteur d’homme »…

Voilà bien une question que l’Eglise que nous sommes doit se poser : comment réchauffer ce monde du feu de l’amour de Dieu, comment y mettre une chaleur qui soit « à hauteur d’homme » ? qui soit à la hauteur de l’homme ? qui le réchauffe à la hauteur de ses attentes de fraternité, de respect, de solidarité. Autrement dit comment vivre notre foi en fidélité à Celui qui nous envoie guérir les cœurs brisés, délivrer les captif, libérer les opprimés ? Voilà un chantier d’Eglise qu’il nous faut poursuivre dans notre vicariat et peut-être même intensifier : vivre ensemble, à hauteur d’homme, avec plus d’entraide, plus de partage, plus de souci pour la justice. Le Brabant wallon n’est pas sans moyen mais ici les plus pauvres sont souvent cachés ou contraints de quitter la région.

Faire cela, ce n’est pas seulement vivre à la hauteur de l’homme, c’est vivre notre vocation prophétique, c’est vivre à la hauteur de Dieu. De ce Dieu qui est venu pour servir et donner sa vie, et qui demain va justement se mettre à hauteur d’homme pour laver les pieds des apôtres.

Etre à la hauteur des appels de Dieu, c’est aussi réchauffer la foi de nos communautés. Pour les chrétiens, le temps n’est plus à la tiédeur et au conformisme de la foi. Le monde ne nous trouvera crédible – ce n’est pas pour autant qu’il va nous sauter au cou ! – mais il ne nous trouvera crédible que s’il sent en nous une conviction, une ardeur qui vient non pas de nous mais de notre attachement personnel au Christ, dans le désir de le suivre de tout notre être par choix, et avec joie.

Voilà un autre chantier d’Eglise qui ne pourra jamais être refermé : faire grandir en nous – et à tout âge – le sens de Dieu, nourrir en nous l’amour du Christ, accueillir en nous son Esprit. Au fond, il s’agit de prendre au sérieux notre baptême et notre confirmation ; devenir ce que nous sommes : des hommes et des femmes, des jeunes et des aînés, consacrés par l’onction pour reprendre avec Jésus les mots du prophète Isaïe… Chouraqui traduit ce verset en disant : « Le Seigneur m’a messié… » ! Voilà donc notre mission et notre identité profondes : nous sommes « messiés » nous sommes appelés à devenir des Christ. Bref, à devenir des « chrétiens » qui ont découvert de l’intérieur que la mission que Dieu leur a donnée est si belle qu’il ne leur est plus possible de déserter (Cf Lettre à Diognète).

Ce chantier là c’est comme pour la Basilique de la Sagrada Familia à Barcelone : elle est perpétuellement en travaux !… Pour ce chantier d’une catéchèse permanente de tous, on ne pourra jamais se dire que ça y est, c’est terminé !
Devenir un « peuple-prêtre », devenir des serviteurs de Dieu, discerner à quoi et à qui l’Esprit nous envoie… :
– cela n’est possible qu’en nous laissant travailler sans cesse à frais nouveau par la Parole de Dieu
– cela demande d’approfondir les mots de la foi pour qu’ils fassent écho en nous et rejoignent notre expérience personnelle
– c’est être initié aux trésors de la liturgie et des sacrements
– c’est apprendre à prier, à ne pas vivre sans cesse à l’extérieur de soi, dans la dispersion de notre être
– c’est découvrir que ce que Dieu désire c’est de nous proposer une vie bonne pour nous et pour les autres.

Et cela s’apprend, et cela s’apprend avec les autres, en Eglise. Pour que cette mission d’annonce et d’enracinement soit remplie, il faudra sans doute s’interroger avec discernement sur le dispositif pastoral et paroissial qui est le nôtre. Mais l’enjeu est celui-là : avoir les lieux sources de proximité dont nous avons besoin pour nourrir notre vocation de « prêtres, prophètes et rois » dont le baptême et la confirmation nous ont investis.

Mais nous aurions tort de ne voir l’Eglise que comme une sorte de chantier permanent où tout ne serait que décombres à enfin rénover. C’est comme ici dans cette collégiale… on peut ouvrir des tranchées à gauche et à droite mais parce que l’on sait que les colonnes de cette collégiale sont solides. L’Eglise a ses faiblesses – et nous le savons top bien – mais ce soir nous pouvons néanmoins mettre aussi l’accent sur le fait qu’elle bâtie ô combien sur la fidélité du Christ et sur la foi solide, tenace de tous ceux qui depuis les apôtres jusqu’à aujourd’hui nous ont transmis l’Evangile.

Et si les bas-côtés de la collégiale sont en chantier – comme il y a aussi des bas-côtés ténébreux dans nos cœurs – il n’en n’est pas moins vrai que ce soir le chœur de cette collégiale – les deux chœurs même ! – et la nef sont aussi habités de vos fidélités, de vos victoires sur le mal, de tout ce que l’Esprit accomplit en vous.

C’est pourquoi, je voudrais dire ma reconnaissance aux prêtres venus nombreux, qui sont les premiers collaborateurs des évêques. Je les remercie pour tant de signes de soutien fraternel qu’ils m’ont fait, qu’ils soient d’ici ou venant d’autres diocèses. Tous ont leur place pour porter avec ardeur le souci pastoral de l’Eglise. En sachant que les chrétiens attendent plus que jamais de notre part, prêtres et évêques, un engagement total de nous-mêmes au service du Christ et de l’Eglise, ils ont soif de notre propre quête inlassable de Dieu, dans une cohérence de vie sans faux-semblant, dans un goût profond pour la Parole, pour l’eucharistie. Ils attendent de nous un service de communion, qui – même si c’est bousculant – regardent les autres d’abord comme une bénédiction, un don de Dieu, des frères et des sœurs. Cela demande de nous, pasteurs, un amour bienveillant pour nos contemporains même si parfois ils nous déconcertent ou nous semble éloignés de ce qui pour nous est si essentiel : si nous voulons les intéresser au Christ, alors intéressons-nous à eux, à leur mystère caché, à leur soif de bonheur, à leurs blessures secrètes. On n’éveille à la foi que ceux qu’on aime. Les prêtres vont renouveler les promesses qu’ils ont fait au jour de leur ordination. Soutenons-les dans leur vocation, ils sont comme nous tous : ils ont eux aussi besoin d’amitié fraternelle.

Je pense aussi aux diacres qui contempleront demain le Christ serviteur aux pieds de ses apôtres. Qu’en l’ayant contemplé, ils servent leurs frères de façon missionnaire et prophétique et tant mieux si c’est sur des chemins peu fréquentés et même si leur ministère qui se cherche encore n’est pas toujours reconnu. Le Christ a connu cela aussi mais il s’est donné sans retour.

Je pense à vous tous laïcs, religieux, consacrés au Seigneur et qui êtes des pierres vivantes de l’Eglise : en particulier les animateurs pastoraux, qui portez avec nous le souci pastoral des communautés. J’ai toujours été particulièrement proche de vous dans le cadre de la formation. L’épiscopat ne m’enlèvera pas ce petit faible que j’ai pour vous et pour votre mission précieuse elle aussi pour l’Eglise !

Il y a vous, les catéchumènes, qui par votre baptême à Pâques allez enrichir l’Eglise de vos talents de prêtres, de prophètes et de rois à la façon du Christ. Plusieurs adultes qui vont être bientôt confirmés sont là aussi : tous vous êtes le signe que l’Esprit est à l’œuvre dans les cœurs aujourd’hui, bien plus que nous ne le croyons.

Je pense aussi à vous les jeunes qui avez marché cet après-midi faisant vous aussi votre blason…non pas épiscopal, mais de confirmés.
Je voudrais beaucoup qu’on s’interroge en Eglise avec vous : comment créer des lieux un peu partout en Brabant wallon où jeunes et jeunes adultes pourront faire étape pour commencer ou pour poursuivre l’aventure de la foi ? Pour ce chantier-là il faudra demander un permis de construire : car il faudra ouvrir des espaces nouveaux, être inventif. Il faudra qu’on s’y mette tous, jeunes et adultes, prêtres, diacres, consacrés, laïcs… on ne sera pas de trop pour permettre aux jeunes de découvrir que la Bonne Nouvelle peut être expérimentée comme un « bienfait » – c’est le mot utilisé à la fois par Isaïe et Jésus : « apporter une année de bienfaits ». N’est-ce pas ce que nous pouvons nous souhaiter à tous et demander à Dieu ce soir : faire de nos paroisses et de nos communautés des lieux bienfaisants, et brillants de Pâques.

+ Jean-Luc Hudsyn