
Homélie de Mgr Hudsyn lors de la messe radio à la Collégiale de Nivelles
Sœurs et frères,
La télévision nous offre souvent le spectacle de ces voiliers terminant une course aventureuse à travers les océans. A l’arrivée, les amis se pressent sur les quais, on agite des fumigènes rougeoyants… Après des jours de houle, d’embellies, de déferlantes, c’est la fête, les retrouvailles !
Aujourd’hui, nous fêtons une femme qui a réussi la traversée de son existence. Après une vie parfois mouvementée, la Vierge Marie est arrivée à bon port ! A Rome, dans la basilique du Trastevere, une mosaïque très ancienne montre le Christ qui, de son bras, étreint tendrement les épaules de Marie entrée au ciel et assise à côté de lui.
En cette fête de l’Assomption, nous fêtons l’entrée de Marie dans cette plénitude de vie où son Fils l’a précédée. Mais chacun, il nous précède nous aussi – comme dit S. Paul – dans cet accomplissement de nous-mêmes qui nous attend et qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer…
Cette espérance touche notre aujourd’hui. Car la résurrection lève lentement en nous et dans le monde chaque fois que nous nous laissons attirés par le Christ du côté de ce qui est source de vie, de relèvement de l’homme et de la femme. L’assomption de l’humanité est en route chaque fois que nous nous aimons les uns les autres, même si c’est dans un enfantement dont l’actualité nous montre régulièrement qu’il se vit dans des convulsions ô combien douloureuses.
Mais aujourd’hui cette fête vient affermir notre espérance. Marie a vécu une vie humble et discrète mais elle a vu sa vie déboucher tout droit dans la Résurrection, dans la plénitude de la rencontre avec Dieu – Pourquoi ?
Parce que dans sa vie quotidienne, effacée, elle a dit OUI à Dieu en toute chose. Dire oui à Dieu, c’est dire OUI à ces grandes attitudes qu’on appelle ‘les vertus théologales’ : la foi, l’espérance et la charité. Marie a vécu toute chose avec amour ; elle a vécu toute chose avec foi ; sans toujours tout comprendre, elle a tenu bon dans l’espérance.
Il y a eu des joies dans sa vie de femme, d’épouse et de maman. Il y a eu des magnificat inattendus. Mais sa vie fut aussi une navigation qui eut ces moments d’obscurité, de tempêtes à traverser. Sa vie fut confrontée à ce Dragon, à cette puissance apparente du mal dont parle Saint Jean dans l’Apocalypse. Mais elle a tenu le cap, nous invitant nous aussi à croire son Fils, à espérer en Lui, à aimer comme lui.
Marie sait ce que sont nos vies… Après la naissance de son fils, elle a dû fuir la tyrannie du roi Hérode – elle s’est retrouvée sur la route de l’exil avec un bébé dans les bras… comme tant d’autres mères aujourd’hui…
En Egypte, elle a su ce qu’il en coûte d’être une réfugiée, une immigrée en terre étrangère… comme tant d’autres aujourd’hui…
Un jour, elle a eu l’impression de ne plus comprendre son enfant. Dans l’angoisse, trois jours durant, elle l’a cherché partout … Elle sait qu’être parent c’est être parfois déconcerté par ses enfants, sans trop savoir comment s’y prendre…
Elle a connu la perte de son époux. Elle a dû faire face au deuil, refaire confiance à la vie…
Elle a dû s’accrocher à sa foi, quand elle a vu son fils injustement arrêté, hué, torturé, mis à mort. Elle l’a porté dans ses bras au pied de la croix. Elle sait ce qu’il en coûte à des parents que de perdre un enfant.
Oui, comme tant d’autres, comme nous-mêmes, Marie a connu l’incertitude des lendemains, elle a dû souvent se demander où Dieu voulait en venir.
Alors je la vois volontiers se répétant cette prière jaillie de son cœur quand elle visita sa cousine Elisabeth : « Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour »… Dieu n’oublie pas ses promesses : « sa miséricorde s’étend d’âge en âge »… Envers et contre tout, elle est restée croyante. Elle est restée ouverte à l’amour, elle est restée disciple de son Fils.
A sa mort, elle est entrée tout entière dans le mystère de la résurrection, avec toute son humanité. Avec tout ce qu’elle a vécu dans sa chair comme moments de désarroi et de tristesse. Avec tout ce qu’elle a vécu dans sa chair comme joie, et comme émotions.
Elle nous dit ce matin que le chemin parfois rude de nos vies n’est pas une voie sans issue. C’est un chemin qui mène à la Vie. Une vie dont nous pouvons déjà être porteurs en ce monde. Nous pouvons contribuer à engendrer cette vie si, comme Marie, nous allons nous aussi en visitation ; si nous allons à la rencontre des autres pour faire tressaillir ce qu’ils ont de meilleur en eux ; si nous mettons un peu de la joie et de la paix du ciel autour de nous.
Elle nous dit que rien n’est impossible à Dieu. Avec nous, il peut et il veut faire des merveilles. Comme Marie soyons les humbles serviteurs de son amour et de sa justice. Pour que l’humain, pour que l’humanité arrivent à bon port.
+ Jean-Luc Hudsyn
Illustration @ Flickr.com – Thierry Larère Rome – Basilique Sainte-Marie-du-Trastevere
Fresque mosaïque vie de la Vierge par Pietro Cavallini