
Homélie de Mgr Hudsyn – 02 février 2014 à Basse-Wavre
Sœurs et frères,
Nous fêtons la vie consacrée le jour de la Présentation de Jésus au temple. Les parents de Jésus montent à Jérusalem pour le consacrer au Seigneur. Il entre dans la maison de son Père, porté dans leurs bras. Il vient comme il est venu à Noël : caché, discret, incognito…
Autour de lui, dans les parvis du Temple prêtres, lévites, rabbis s’agitent et enseignent. A mille lieues de se douter qu’à côté d’eux passe celui que l’Ecriture appelle la gloire d’Israël, la lumière des Nations ! Qui va révéler le mystère caché de cette divine présence au milieu de nous ?…
Deux personnes, des consacrés, le reconnaissent.
Symeon dont nous nous rappelons les paroles émues chaque soir à Complies : « Mes yeux ont vu ton salut ».
Et Anne qui à partir de ce jour n’arrêtera plus de parler de cet enfant à tous ceux qui étaient en attente de délivrance.
Dans ce monde qui est le nôtre, et qui – contrairement à ce que nous avons connu autrefois et à ce que vivent d’autres cultures – semble habiter par l’évidence apparente de la non-existence de Dieu, et qui s’organise comme tel, et qui légifère comme tel, ce monde n’en connaît pas moins une quête spirituelle encore bien vivante, plus vivante que jamais, peut-être.
Est-il si vrai de dire que nos contemporains sont si indifférents que cela à l’Evangile quand on voit comment ce pape venu de loin, semble finalement si proche d’attentes secrètes, réveillées par manière d’être, ses gestes, ses paroles ?
Qui va dévoiler « les pensées secrètes d’un grand nombre » comme disait Syméon ? Qui peut réveiller cette quête secrète qui habite le cœur de beaucoup ?
Je crois que la vie consacrée est bien placée pour le faire. Car le charisme de la vie consacrée est de nous mettre devant ce qui fait le cœur de la foi : elle dit par votre vie même, que nous sommes, nous les humains, des êtres appelés. Appelés par un amour qui dépasse tout désir, qui nous aime gratuitement, sans que nous n’ayons à le mériter, sans que nous ayons à faire nos preuves, comme l’exige plus qu’à son tour le monde du travail, le monde des affaires, là où il nous faut être performant, compétitif, gagnant. « Le succès, ça s’apprend » titrait une revue…
Une enquête récente a montré que ce qu’on attend le plus des personnes consacrées, c’est la qualité de leur vie spirituelle. Il n’y a pas si longtemps on aurait sans doute insisté plutôt sur la qualité des œuvres dirigées par la vie religieuse : écoles, hôpitaux… Voilà que la vie consacrée a peut-être la chance de ne plus se définir par ce qu’elle fait mais par ce qui la motive : la gratuité d’un lien, une donation de soi, la question de Dieu, la suite du Christ à travers tout, dans les jours de lumière comme dans les jours où l’épreuve nous transperce le cœur…
La vie consacrée, par les choix de vie qu’elle fait, par la radicalité évangélique qu’elle choisit, remplit cette mission de questionnement de tout chrétien : par les choix que vous avez fait, par amour, vous nous aidez tous à nous poser cette question : « Et moi, dans la vocation qui est la mienne, et qui n’est pas la même, qu’en est-il de ma propre suite du Christ ? est-il vraiment le Seigneur de ma vie ? est-ce bien sa gloire que je cherche en toute chose ? « Pour vous qui suis-je ? » – « Pour moi qui est-Il ? »
C’est exigeant pour vous, car cela vous relance dans les choix évangéliques que vous avez fait, cela interroge la radicalité de votre foi, et la joie que vous mettez dans votre suite particulière du Christ.
Mais c’est une grâce pour nous, car votre vie peut-être pour chacun dans le Peuple de Dieu comme une parabole de ce que veut dire : choisir le Christ ; ce que veut dire : n’avoir rien de plus cher que le Christ.
Vous n’êtes qu’un des membres du Corps du Christ, mais vous interrogez tout le corps ! Vous nous stimulez dans notre propre fidélité aux promesses de notre baptême.
Et dans la mission d’évangéliser, vous nous encouragez : car votre vie ne peut qu’interroger le monde sur ce qui fait sens et ce qui donne du bonheur, cette unité intérieure que tant recherchent.
Et au fond, dans ce monde dont nous parlions, qui semble habiter par la non-évidence de Dieu, qui sait combien autour de vous en vous voyant vivre, croire et aimer… ne se sont pas mis à douter sérieusement de la non-existence de Dieu !
Prions les uns pour les autres, pour cette forêt aux multiples arbres que nous formons : absorbant ensemble l’énergie du soleil de Dieu, puissions-nous apporter à cette terre cette qualité, ce souffle de vie spirituelle dont elle a tant besoin pour respirer à pleins poumons.
+ Jean-Luc Hudsyn