
Ce n’est ni dans une église ni dans une salle paroissiale, encore moins dans une cathédrale que Mgr Léonard s’est arrêté hier soir, mais à la prison de Nivelles. Quelque part dans cet univers grillagé aux cliquetis glacés, régnait une singulière chaleur humaine. C’est là que l’archevêque, homme parmi d’autres, a tenu avec eux une « lampe allumée ».
Tous les lundis soirs, les détenus de la prison de Nivelles ont l’occasion de participer à une célébration organisée par l’équipe d’aumônerie. Ce lundi 10 février, ils ont eu l’occasion d’accueillir l’archevêque en visite pastorale de dix jours dans le doyenné de Nivelles. Logée au premier étage de la prison, l’aumônerie, c’est un autre monde, une autre saison. La trentaine de chaises installées accueille les visiteurs du lundi soir, heureux de saluer ou d’échanger quelques mots avec les membres de l’équipe, quand l’archevêque fait son entrée. La pièce est exigüe, ici, pas de sacristie, les préparatifs de la célébration se font en toute simplicité.
Mgr Léonard avait le souhait de rencontrer les détenus, il leur confie que son plus beau Noël, a été celui de la prison d’Ittre à cause de la profondeur des rencontres. Ceux qui sont ici ce soir – tous n’ont pu venir par manque de place – ont préparé quelques questions qu’ils souhaitent poser à l’archevêque. Sans pour autant se débiner, ce dernier prévient qu’il n’a pas réponse à tout et que certaines compétences ne sont pas de son ressort. Les mots font mal : enfermés , humiliés , infantilisés … « Même lorsque les restrictions de liberté sont choquantes, vous gardez votre liberté intérieure, personne ne peut vous empêcher de penser », argue Mgr Léonard. Des questions fusent, tellement cruciales et légitimes comme celles de la réinsertion, des grâces, du besoin de travailler. Les problèmes évoqués sont le reflet de ce qui percute la société : difficultés de tolérance envers les détenus issus d’autres cultures. « Aucun groupe humain n’est supérieur à l’autre , prévient l’archevêque, si vous répondez par la brutalité, alors c’est l’escalade. »
« Qu’est-ce que l’Eglise peut faire pour nous ? » demande à brûle-pourpoint un jeune trentenaire. « Je suis venu vous voir parce que vous comptez pour moi, répond l’archevêque. Toute personne, quel que soit son passé vaut la peine qu’on soit auprès de lui. » – « Mais encore , continue l’interlocuteur, l’Eglise pourrait-elle faire pression pour que les droits de l’homme soient appliqués ici ? » La question n’est pas esquivée, l’archevêque promet d’y réfléchir et de le faire en concertation avec les autres cultes orthodoxes, protestants, musulmans…
Vous êtes le sel de la terre, et la lumière du monde !
Les rangs se resserrent, les guitares livrent leurs accords, les chants s’élèvent graves et profonds, à l’unisson du cœur des hommes. « Sur les 260 détenus qui peuplent la prison, vous êtes une trentaine à venir à cette célébration, une minorité, souligne l’archevêque , comme le sel est une minorité qui relève tout un plat. C’est le sel de la foi que d’oser croire que Dieu vous aime. En prison, c’est le sel de cet amour dont vous pouvez témoigner. » Oui le cœur de l’homme est bon, c’est à ce cœur-là que Mgr Léonard s’est adressé dans la petite aumônerie qui sentait bon le café chaud et n’avait pour tout autel qu’une ordinaire table trop basse.
Bernadette Lennerts